
ETF obligataires à maturité, une recette pas si facile

Rares sont les innovations lancées aux Etats-Unis qui ne traversent pas l’Atlantique. Les nouveaux iBonds, des exchange-traded funds (ETF) à maturité proposés par BlackRock, ne dérogent pas à la règle. Depuis l’été dernier, les investisseurs français ont accès à cette nouvelle gamme de produits qui connaît un franc succès outre-Atlantique depuis 2022, où leurs encours totalisent aujourd’hui 14 milliards de dollars répartis sur 37 stratégies.
Leur principe est simple mais il fallait y penser. BlackRock a décliné sous la forme d’ETF le principe des fonds obligataires à maturité. Les maturités des ETF s’échelonnent ainsi de décembre 2025 à 2028 et ils sont exposés à des obligations ayant des dates d’échéance similaires à la leur. La gamme propose des produits sur des obligations d’entreprise en euros ou en dollars. Sur le même principe, BlackRock a complété sa gamme par un ETF sur les bons du Trésor américains à échéance 2025. Au total, 9 produits sont donc à la vente en France.
Les nouveaux iBonds totalisent 14 milliards de dollars d’encours aux Etats-Unis
Le succès est au rendez-vous puisqu’en moins de six mois, BlackRock a collecté près de 2 milliards de dollars sur ces véhicules. « L’ETF obligataire à maturité permet de rendre accessible au plus grand nombre ce marché qui est aujourd’hui principalement tenu par des professionnels », déclare Arnaud Gihan, responsable iShares pour la France, l’activité de gestion indicielle de BlackRock. La demande la plus forte se concentre sur les produits à échéances 2026 et 2028 exposés aux obligations européennes. Ils totalisent respectivement 470 et 570 millions de dollars d’encours.
Arguments forts
Pour vendre ces ETF aux investisseurs français, le gestionnaire met en avant plusieurs de leurs points forts. En premier lieu, comme pour les fonds à échéance, leur rendement est connu. Ainsi, le rendement à maturité des ETF européens est compris entre 3,4 % et 3,7 % pour toutes les maturités et celui des ETF sur les entreprises américaines s’échelonne de 5,9 % pour l’échéance 2025 à 5,77 % pour l’échéance la plus lointaine.
Le gestionnaire insiste aussi sur le fait que, contrairement aux fonds à échéance classiques, les iBonds, cotés, ne sont pas soumis à des fenêtres d’investissement. BlackRock communique également auprès de ses clients sur les frais réduits, qui sont de 12 points de base (pb) pour les ETF sur le crédit et de 10 pb sur celui sur les bons du Trésor américains.
Enfin, la diversification est un des autres arguments phares du gestionnaire. Ces produits – pour ceux sur le crédit – sont exposés à des indices comprenant plusieurs centaines d’émetteurs, autour de 250 ou 300, pour un nombre d’obligations dans chaque ETF qui s’échelonne entre 350 et 500.
Pour les investisseurs, ces ETF s’apparentent donc à des obligations traditionnelles, au détail près que le risque porte sur un indice diversifié et non pas sur une seule signature. Ils distribuent des intérêts et le principal est remboursé à l’échéance. Par ailleurs, étant très facilement négociables, ces produits sont à même d’entrer dans la composition de tous les portefeuilles, y compris ceux dont la liquidité doit être assurée. Ils permettent de s’exposer sur un point de la courbe des taux de crédit investment grade de manière très simple et de pouvoir profiter de l’évolution de la classe d’actifs.
Conception complexe
La simplicité d’utilisation de ces produits cache cependant une grande complexité de conception. Ces ETF sont gérés sur le principe de la réplication physique. Ils doivent donc comporter toutes les valeurs en portefeuille.
Ainsi, lors des premiers mois de vie de l’ETF, le gestionnaire commence par construire un portefeuille constitué d’un échantillon des valeurs de l’indice, tout en gérant l’écart de performance avec l’univers dans son ensemble. Ensuite, au fur et à mesure que les flux arrivent dans les produits, BlackRock va intégrer les titres qui lui manquent en portefeuille pour atteindre une réplication totale. Actuellement, les fonds distribués en France disposent de tous les émetteurs en portefeuille, mais cela n’a pas été le cas sur les premiers mois.
Tous les coûts de transaction sont supportés par celui qui décide d’acheter et vendre, et non par les fonds ou les porteurs existants de l’ETF
Le coût d’acquisition de ces titres est supporté par les teneurs de marché, qui le répercutent ensuite aux acheteurs de parts. Contrairement aux OPCVM à maturité classiques qui proposent des fenêtres d’investissement, « tous les coûts de transaction sont supportés par celui qui décide d’acheter et vendre, et non par les fonds ou les porteurs existants de l’ETF. Ce coût ne vient donc pas diluer le rendement de ceux qui ont investi le premier jour », précise Arnaud Gihan. Ces coûts sont ainsi compris dans les fourchettes d’achat et de vente des produits. A titre d’exemple, sur l’ETF Euro Investment Grade 2026, cette fourchette est un peu en dessous de 20 pb, dans des conditions normales de marché. De la même manière, en cas de sortie avant la date d’échéance, le coût de sortie est supporté par celui qui vend et matérialisé par le coût de rachat du teneur de marché sur les obligations en portefeuille. Les teneurs de marché autorisés à effectuer les transactions sur ces ETF de BlackRock sont au nombre d’une quarantaine mais, dans les faits, sur les produits distribués en France, ils sont un peu moins d’une dizaine à intervenir.
A partir de l’expérience acquise aux Etats-Unis sur ces produits, BlackRock a constaté que les flux entrants sur ces produits augmentaient jusqu’à 18 mois avant l’échéance, puis baissaient progressivement jusqu’à six mois avant l’échéance, pour se stabiliser sur des encours de 70 % du plus haut atteint.
Adaptation
Une stratégie « buy and hold » n’est pas exempte de gestion. Il arrive en effet que certaines valeurs sortent ou entrent dans l’indice lorsque deux agences de notation changent de note sur des émissions. Les réallocations ont alors lieu en fin de mois. Ensuite, lorsque les coupons sont détachés, le fonds les réinvestit sur l’intégralité des 300 émetteurs du portefeuille. De la même manière, même si le fonds n’investit que sur des souches dont les options de remboursement anticipé ne sont pas prévues lors de sa dernière année, le gérant doit les réinvestir pour quelques mois dans le portefeuille.
La gestion de la dernière année de vie de l’ETF est spécifique. Les obligations présentes dans le fonds arrivent à maturité du 1er janvier de l’année calendaire de leur année d’échéance jusqu’au 15 décembre. BlackRock gère cet étalement des remboursements du pair des obligations par un mécanisme qui permet d’allonger la maturité de ceux qui interviennent en début d’année en s’exposant à des obligations d’Etat allemandes ou françaises qui arrivent à maturité en fin d’année.
Le rendement servi par ces ETF n’est pas garanti. Il peut en effet exister un écart entre le rendement attendu et le rendement servi à cause des réinvestissements des coupons et du principal sur la dernière année de vie du produit. Aux Etats-Unis, sur les millésimes qui présentaient une maturité en 2021 ou 2022 par exemple, les taux servis ont ainsi été légèrement plus faibles qu’attendu, de l’ordre de 20 pb. Cela est dû au fait que les réinvestissements de coupon ont lieu sur les rendements disponibles au moment de leur détachement. De la même manière, en cas d’événement de crédit, les titres peuvent être vendus avec une perte. Si le gestionnaire propose à l’avenir en France des fonds exposés au haut rendement (high yield), les écarts peuvent être plus importants.

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