Ben Slavin (BNY) : « Les fournisseurs d’ETF n’ont pas une vision très nette de l’identité de leurs clients »

Le responsable mondial de l’activité ETF chez BNY décrypte les spécificités du métier de banque dépositaire dans le cas des fonds cotés en Bourse. Et ses transformations en cours.
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Ben Slavin  - 

Comme tout fonds, un ETF a besoin d’une banque dépositaire, notamment pour la tenue de compte et conservation des actifs sous-jacents. Un marché très largement dominé par State Street qui capte 40 % des encours d’ETF à travers le monde. Cette domination, plus marquée encore il y a quelques mois, a poussé certains fournisseurs d’ETF à diversifier leur base de prestataires, à l’image d’iShares qui a confié en début d’année la moitié de sa plateforme irlandaise à BNY. Pour Ben Slavin, qui chapeaute les ETF chez ce dernier, les perspectives du marché européen sont immenses.

L’Agefi : Quel est le rôle d’un asset servicer comme BNY dans l’écosystème des ETF ?

Ben Slavin : Nous fournissons les infrastructures et les services nécessaires aux émetteurs ou sponsors d’ETF pour coter leurs produits à travers le monde. Cela inclut la conservation des titres (custody), la comptabilité et l’administration des fonds mais aussi des services plus spécifiques aux ETF comme la gestion des ordres des fournisseurs de liquidité. Certains de nos clients font également appel à d’autres services de BNY (change, solutions de couverture, distribution…).

En quoi consistent plus particulièrement les services en lien avec les participants autorisés ?

Nous fournissons une plateforme technologique qui leur permet de créer ou de liquider des parts d’ETF pour le compte des émetteurs qui les ont mandatés. C’est un service qui se développe depuis deux ou trois ans dans l’industrie. Historiquement, les ordres sur les ETF étaient placés par les apporteurs de liquidité sur des sites web spécifiques gérés par chaque émetteur d’ETF. Ce système est en train de changer. Au niveau mondial, 80 % des ordres sont désormais directement envoyés vers la banque en charge de la conservation des titres, grâce à une messagerie sécurisée. Cela facilite la création et la rédemption de parts d’ETF. Cette automatisation réduit en outre le risque d’erreurs de saisie sur les sites web des émetteurs. En Europe, la part de ces ordres automatisés reste, à ce stade, en-deçà des 80 % mais elle est en progression. C’est une transformation qui est essentielle pour accompagner la croissance du marché européen des ETF qui compte déjà plus d’une centaine d’émetteurs, 3.000 produits et 12.000 cotations sur les différentes bourses du continent.

Le marché européen des ETF compte déjà plus d’une centaine d’émetteurs, 3.000 produits et 12.000 cotations

En termes d’asset servicing, quelles sont les principales différences, pour un gestionnaire d’actifs, entre un ETF et un fonds traditionnel ?

Dans le cas des fonds traditionnels, il existe un lien assez direct entre le fonds et les investisseurs qui en détiennent les parts. L’ETF, au contraire, est acheté par les investisseurs sur les plateformes boursières et ce sont les brokers et les participants autorisés qui se tournent ensuite vers l’émetteur de l’ETF pour la création ou la destruction des parts. Ce dernier n’a pas une vision très nette de qui sont ses clients.

N’est-ce pas paradoxal pour un instrument aussi transparent que l’ETF sur les actifs qu’il a en portefeuille de ne pas offrir cette même transparence au niveau de son passif ?

Effectivement, les ETF sont incroyablement transparents sur la composition de leur portefeuille et sur le prix auquel ils ne négocient à chaque seconde, tout au long de la journée de cotation. Mais pour connaître qui sont les actionnaires d’un ETF, il en va différemment. Cela complique le travail des équipes de marketing et de distribution des asset managers. En Europe, la donnée est fragmentée, sujette à de multiples réglementations nationales en matière de confidentialité, ce qui accentue le retard par rapport aux Etats-Unis sur ce point.

Cela pourrait-il évoluer ?

Le projet européen de création d’une base de données post-négociation consolidée (« consolidated tape ») pourrait contribuer à améliorer la visibilité qu’ont les asset managers. Ce serait aussi très bénéfique pour les investisseurs qui auraient ainsi une transparence totale sur les conditions d’exécution de leurs transactions en ETF. Il est également possible que les plateformes de distribution, notamment celles qui s’adressent aux clients de détail – de plus en plus nombreux en Europe – facturent l’accès à leurs services aux asset managers et, en échange, leur donnent davantage d’informations sur les investisseurs finaux.

Quel poids pèse l’Europe dans votre activité sur les ETF ?

Au niveau mondial, la plateforme ETF de BNY délivre des services pour environ 2.700 milliards de dollars d’encours. Notre activité en Europe croît rapidement. Toutes les semaines, on constate le lancement de nouveaux produits par des émetteurs existants mais aussi l’arrivée de nouveaux émetteurs. Dans toute l’industrie, les mutual funds continuent de subir des décollectes alors que les ETF attirent les flux : cela pousse beaucoup d’asset managers à réfléchir à une stratégie pour entrer sur ce marché. Nous les accompagnons dans ces réflexions et dans la mise en œuvre de leur projet.

Aux Etats-Unis, vous êtes autorisés, depuis septembre, à offrir des services de conservation de crypto-actifs. Que cela va-t-il changer ?

Les ETF sur les actifs digitaux ont connu un très grand succès aux Etats-Unis depuis leur lancement. BNY fournit tous les services associés à ces ETF (comptabilité, administration…) pour la plupart des produits lancés, mais pas la conservation des actifs digitaux eux-mêmes qui est assurée par des plateformes crypto. La « non-objection » émise par la SEC offre à BNY la possibilité de fournir également des services de conservation pour les clients de ces exchange-traded products (ETP) à grande échelle.

Banques dépositaires pour les ETF : un marché très concentré…

… à l’échelle mondiale

State STreet5631
JP Morgan2977
BNY2369
Citibank672
Mitsubishi427
Brown Brother Harriman286
HSBC233
Autres1788
TOTAL14384

En Md$ à fin septembre 2024

… à l’échelle européenne

State Street900
BNY430
Brown Brother Harriman187
Caceis105
Société Générale103
HSBC Continental69
Northern Trust54
Autres94
TOTAL1943

En Md€ à fin octobre 2024
Source : LSEG Lipper

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