Tricolore. Dans une note publiée mi-mars, Fitch Ratings pointe que peu de sociétés notées de la zone Emea (Europe, Moyen-Orient, Afrique) sont pour l’instant directement pénalisées par le conflit russo-ukrainien. Le « pour l’instant » est d’importance, l’agence réévalue bien entendu le risque en continu. Mi-mars donc, Fitch précise avoir identifié « moins de dix » sociétés parmi celles publiquement notées de la zone ayant plus du quart de leurs ventes, de leurs résultats ou de leur cash-flow opérationnel issus de Russie. L’agence indique avoir lancé des actions négatives de notation sur un périmètre restreint de quatre utilities (sociétés de service public) et deux groupes de biens de consommation. Les effets à court terme s’expriment particulièrement par le biais de perturbations sur la chaîne d’approvisionnement. « En dehors de ces entités, l’impact [du conflit] sur la notation reste limité », explique l’agence. Limité, pour l’instant, donc.
International. L’affacturage affiche pour 2021 un nouveau record après celui de 2019, avec une production des membres de l’Association française des sociétés financières (ASF) de 364,9 milliards d’euros (+12,8 % et +4,3 % par rapport à 2020 et 2019). Philippe Mutin, président de la commission affacturage de l’ASF, évoque un début d’année 2022 en trombe et ne doute pas que « l’affacturage continuera d’être porté par son caractère sécurisant dans un contexte de remboursement du PGE (prêt garanti par l’Etat, NDLR) et de fortes tensions économiques ». Le record est atteint grâce au dynamisme confirmé de l’activité à l’international, qui a progressé l’an passé de 22,4 % à 128,5 milliards d’euros pour représenter plus de 35 % du chiffre d’affaires des factors. Dans ce contexte, le dispositif de financement dès la prise de commande affiche, après dix-huit mois à fin octobre, un montant cumulé de lignes de financement de 104 millions d’euros. Un bilan « modeste en termes d’encours, ce dispositif n’arrivant qu’en complément du PGE », pointe Philippe Mutin. Qui estime qu’en dépit de l’arrêt de la garantie de l’Etat à fin 2021, « la plupart des factors vont conserver ce produit au catalogue ».
Pour éviter d’ignorer les situations de fragilité passagère, l’Etat propose aux plus petites entreprises d’allonger la durée de remboursement des prêts.
Une histoire d’amour, d’amour vrai. Amore Vero, tel est le nom de ce modeste yacht de 88 mètres, construit en 2013, dérangé dans son sommeil dans la nuit du 2 au 3 mars par des agents de l’administration des douanes françaises. Il se trouvait depuis deux mois au chantier naval de La Ciotat pour réparation et devait y demeurer jusqu’au 1er avril. Figurez-vous qu’à l’irruption de la douane, « le navire prenait des dispositions pour appareiller dans l’urgence », nous apprend un communiqué du ministère des Finances dédié à l’affaire. Le yacht a été saisi, sur fond de sanctions envers son propriétaire, qui n’est autre qu’Igor Setchine, dirigeant du géant pétrolier russe Rosneft. Le ministère ne précise pas si l’embarcation pourrait rejoindre la fameuse flotte de navettes fluviales de Bercy. Vu le prix du carburant…
Usine à gaz. Un rapport remis début mars à Olivia Grégoire, secrétaire d’Etat à l’Economie sociale et solidaire, explique les raisons de l’échec des contrats à impact. Ces financements sont dédiés à des projets d’intérêt général intégrant les pouvoirs publics, les acteurs de l’économie sociale et solidaire, ceux de la transition énergétique ainsi que d’autres acteurs publics ou privés. Objectif : soutenir les innovations sociales et environnementales et mesurer leur véritable impact. Instauré en 2016, le contrat à impact n’aura abouti qu’à une douzaine de projets soutenus par un poignée d’acteurs historiques, pour un encours total de moins de 20 millions d’euros. Trop complexe et peu rémunérateur, le contrat à impact ne séduit pas, même si 15 nouveaux projets ont été sélectionnés depuis deux ans pour un montant de 46,5 millions d’euros en cours de structuration. Le rapport formule cinq propositions pour relancer le dispositif : simplification, clarification, explication et surtout sélection de projets plus risqués et à plus fort potentiel de transformation.
Stellantis va-t-il être le groupe moteur pour faire avancer le S de l’ESG (critères environnemental, social et de gouvernance) ? Issu de la fusion entre Peugeot et Fiat, le groupe vient d’annoncer dans un communiqué ad hoc qu’il redistribuerait cette année à ses salariés un montant de 1,9 milliard d’euros, soit une somme en progression de 70 % par rapport à l’effort consenti l’an dernier par les groupes dont Stellantis est né. De quoi faire bénéficier ses employés d’excellents résultats 2021, avec une hausse du chiffre d’affaires de 14 % et un quasi-triplement du bénéfice net à 13,4 milliards d’euros. Le dirigeant, Carlos Tavares, salue les efforts de tous sans omettre les difficultés qu’il leur a fallu surmonter, comme la pandémie, la pénurie de semi-conducteurs… Si le secteur automobile fait résonner la corde sensible du social, c’est vraiment signe d’un virage !
L’avis d’expert de François Lavier, CFA responsable des stratégies de dettes financières subordonnées, Alexis Lautrette et Sergio Gallo, analystes-gestionnaires, Lazard Frères Gestion
Soutenu. Le marché du Schuldschein a accéléré en fin d’année dernière. Selon Sebastian Zank, responsable adjoint de la notation corporate chez Scope Ratings, les volumes de ce segment de placement privé ont progressé de 6 % en 2021 à 20,6 milliards d’euros, dont plus du tiers (7,6 milliards) pour le seul quatrième trimestre. L’analyste note un regain d’internationalisation, avec 40 % des nouveaux émetteurs hors d’Allemagne. Il pointe en outre l’enracinement de l’ESG (environnement, social, gouvernance), « toujours en avance par rapport à l’ensemble du marché de la dette corporate ». Mais il se désole de l’étroitesse des récompenses ou pénalités sur la marge en fonction du respect des objectifs ESG, le plus souvent limitées à 2,5 ou 5 points de base. Le retour sur le marché de secteurs cycliques, les besoins de refinancement ou le moindre appétit de la Banque centrale européenne pour la dette publique sont autant de facteurs de soutien pour 2022, le volume de Schuldschein pouvant, selon Scope, se situer entre 20 et 25 milliards d’euros.
Sommet. Cheville ouvrière du plan France Relance et de France 2030, la banque publique a injecté 50 milliards d’euros de fonds en 2021 dans les entreprises françaises, en crédit, capital ou garanties. Ce montant est en augmentation par rapport au record de 45 milliards en 2020. Les volumes mobilisés n’empêchent pas les interventions ciblées : Bpifrance souligne avoir mis en place l’an dernier des prêts d’honneur Création-Reprise et Renfort distribués à 8.000 créateurs pour 51 millions d’euros. La relance passe aussi par des prêts Vert, lancés en 2020 et déployés l’an dernier à hauteur de 1 milliard d’euros. En outre, les prêts Croissance Relance ont atteint 430 millions d’euros, pour les projets d’investissement structurants des TPE, PME et ETI. La banque publique œuvre à la transformation de l’économie notamment via la mise en place du Programme d’investissements d’avenir et à travers des plans sectoriels, sur l’industrie, le climat, la deeptech et le secteur culturel.
Les délais de paiement entre les entreprises ressemblent à une guerre d’usure. Côté positif, le comité de crise créé sur le sujet dès l’éclatement de la crise, en mars 2020, est considéré comme « efficace » par Bruno Le Maire (photo). Le ministre de l’Economie vient même d’étendre son mandat à la surveillance des difficultés d’approvisionnement des entreprises ! Pas de quoi être tout à fait tranquille toutefois, d’après le bulletin que vient de publier la Banque de France qui parle de « dérives » dans certains retards de paiement : les grandes entreprises avaient dégradé de 2,4 jours en moyenne le délai de leurs paiements aux fournisseurs en 2020. Cette évolution n’a fait qu’aggraver des comportements déjà fâcheux parmi nos fleurons, avec près de 60 % des grandes entreprises payant avec retard leurs fournisseurs, contre moins de la moitié de retardataires parmi les ETI et le quart chez les PME. On évalue à 12 milliards d’euros le coût en trésorerie pour ces dernières... Nouvelle mesure envisagée par la Banque de France pour remédier à ce problème ancien : le respect des délais de paiement constituera à compter de 2022 un élément de sa cotation du risque de crédit des grandes entreprises et des ETI, de façon à corriger l’appréciation de la situation de trésorerie si elle résulte de mauvais comportements de paiement. Tout aura été essayé...
Maturité. Korian a annoncé le placement « à un coût historiquement bas », et principalement à taux fixe, d’un nouveau Schuldschein (après ceux de 2014, 2015 et 2018). L’émission, initialement prévue à 150 millions d’euros, a été plus que doublée à environ 380 millions sur fond de forte demande des investisseurs, indique le groupe de soins au service des personnes âgées et fragiles. Les coupons inédits pour Korian pour un tel placement privé de droit allemand sont de 1,30 % pour les échéances à 5 ans, de 1,55 % à 7 ans et de 1,70 % à 8 ans. L’émetteur précise que pour les tranches à taux variables à 5 et 7 ans, cela correspond à des marges respectives de 130 et 155 points de base au-delà de l’Euribor. Korian note en outre que cette levée de fonds lui permet d’accroître la maturité moyenne de sa dette, à 5,8 ans contre 4,5 ans fin 2019.
Transition. La société d’investissement va répliquer sur le continent africain sa stratégie mise en œuvre en Europe avec ses fonds de transition énergétique, le financement relais (« bridge ») de projets. Les développeurs vont pouvoir ainsi entamer la construction de centrales sans immobiliser leur capital en attendant la fin des formalités et l’arrivée des investisseurs publics et privés. Le fonds vise 200 millions de dollars avec un premier closing ce semestre. Le déploiement sera fait en partenariat avec Finergreen, spécialiste du conseil financier en transition énergétique, notamment dans les pays émergents, et présent en Afrique depuis trois bureaux. En outre, la Banque européenne d’investissement investit dans le fonds. Eiffel IG, de son côté, recrute deux spécialistes, son objectif ultime étant de faire passer à 1 milliard d’actifs sa stratégie en transition énergétique.
Liquidité. Les experts du crédit syndiqué gardent confiance. En témoigne le sondage réalisé auprès de ses membres par la Loan Market Association (LMA) quant aux perspectives 2022 du marché. Certes interrogés avant l’émergence du variant Omicron, ils sont ainsi 60 %, contre 49 % un an plus tôt, à tabler sur une progression de plus de 10% des volumes d’émissions primaires en zone Europe/Moyen-Orient/Afrique (Emea). Ils ne sont plus que 7,5 % contre 26,5 % à craindre un repli supérieur à 10 %. Les membres de la LMA accordent une bien moindre force d’impact sur le marché à l’économie mondiale (voir le graphique), jusqu’à un niveau 25 % en deçà de la période pré-Covid, avec en miroir une influence bien plus marquée des pressions concurrentielles. Selon l’association, ces dernières sont probablement soutenues par des efforts massifs de financements publics ayant « renforcé une liquidité déjà élevée dans certains segments du marché ».
Habitués à voir les banquiers leur faire des offres toujours plus innovantes pour se démarquer de la concurrence, les trésoriers ne s’en laissent pas conter. Il est vrai aussi que compte tenu de l’ampleur des financements et des flux dont ils décident, ces professionnels peuvent échapper aux mouvements de mode en finance et tabler sur des offres sur mesure. Du coup, il est toujours intéressant de découvrir les lauréats du prix du meilleur mémoire de trésorerie – sponsorisé, entre autres, par L’Agefi – décerné chaque fin d’année par l’Association française des trésoriers d’entreprise (AFTE) qui rassemble les financiers des plus grands groupes. On trouvera dans leurs travaux les dessous du jeu des thèmes porteurs des prochaines années en finance d’entreprise. Fin 2021, les trésoriers ont ainsi récompensé des travaux sur la finance décentralisée, l’enjeu climatique qui se présente aux marchés, la performance des véhicules Spac (special purpose acquisition companies). Tout un programme…
NowCP, place de marché digitale française d’émission et de négociation de titres de créances à court terme (commercial paper : NeuCP et imminemment EuroCP), a accueilli fin 2021 EPPF (European Primary Placement Facility) en tant que nouvel actionnaire majoritaire. Chaque actionnaire fondateur, au premier rang desquels Orange (aux côtés d’Amundi, Natixis, Crédit Agricole CIB ou S2iEM), a fait un peu de place pour le nouvel entrant, plateforme germano-luxembourgeoise de digitalisation des émissions obligataires. Avec laquelle NowCP, agréée en tant que système multilatéral de négociation (MTF) plaide la complémentarité et les synergies. Pour apporter sa pierre à l’union des marchés de capitaux.