- Crédit
- Tribune
L’instabilité politique rejaillit sur les notations des entreprises

La théorie macroéconomique souligne le rôle crucial de la stabilité politique dans la dynamique de croissance économique. Directement liée à la capacité d’un pays à attirer des capitaux étrangers et à la confiance des investisseurs, ces derniers recherchent des environnements stables et prévisibles, où ils peuvent placer leur capital avec l’espoir de rendements positif, liés, en période d’instabilité politique, cette confiance est ébranlée, à la prudence prévaut à la prise de risques. Cette vigilance conduit à une réduction des flux de capitaux, freine l’innovation et affaiblit in fine la compétitivité de l’économie d’un pays.
Malgré cela, de plus en plus de pays sont confrontés à une fragmentation parlementaire et à une incertitude gouvernementale. À l’instar de l’Espagne, de l’Italie, des Etats-Unis, de l’Allemagne et, plus récemment, de la France - nation peu habituée à la gouvernance de coalition – ces États voient s’installer l’instabilité politique. Bien qu’un parlement fracturé puisse, en théorie, enrichir la démocratie en encourageant le dialogue, une confrontation politique prolongée a souvent l’effet inverse. Plus inquiétant encore est la détérioration des finances publiques qui accompagne l’instabilité politique, en particulier son impact direct sur les notations souveraines.
Le plafond du pays
Les notations de crédit souverain sont particulièrement sensibles à la fragmentation parlementaire en raison de son impact négatif sur trois piliers clés de la solvabilité souveraine :
- Impact macroéconomique : l’érosion de la compétitivité réduit le potentiel de croissance économique du pays.
- Pression fiscale : la fragmentation politique augmente les demandes fiscales, car les gouvernements font face à des coûts financiers plus élevés pour maintenir la stabilité.
- Contraintes politiques : la fragmentation rend difficile l’adoption des réformes structurelles nécessaires, exacerbant les déficits budgétaires et mettant davantage de pression sur la dette publique. Cela limite l’espace budgétaire nécessaire pour répondre aux chocs futurs ou financer la transition vers une économie durable.
A lire aussi: Les urgences financières du gouvernement Barnier
Cependant, l’impact de l’instabilité politique s’étend au-delà des notations souveraines à une conséquence souvent négligée : le ‘plafond du pays’. Ce plafond fait référence à la note de crédit la plus élevée qu’une entreprise nationale peut obtenir, en tenant compte des risques inhérents à l’environnement macroéconomique et politique.
Cette dynamique est loin d’être triviale. Dans ce contexte macroéconomique, nombre d’entreprises nationales de taille intermédiaire reçoivent une note inférieure à celle que justifierait leur solvabilité individuelle. Cette note, basse, entraîne des coûts de financement plus élevés et peut, dans certains cas, rendre plus difficile l’accès des entreprises aux marchés de capitaux internationaux.
À court terme, ces coûts peuvent être absorbés par les entreprises grâce à des marges plus serrées. Cependant, à long terme, les conséquences deviennent plus graves, menaçant la compétitivité des entreprises et, par extension, leur capacité à créer des emplois. Une solvabilité réduite des entreprises conduit à des recettes fiscales plus faibles pour le gouvernement, une augmentation des dépenses sociales et une détérioration de la position financière souveraine : à ce stade la spirale devient vite dangereuse.
L’exemple portugais
La France, qui semble suivre les traces de l’Espagne, de l’Italie et de l’Allemagne, devrait plutôt regarder le Portugal comme un modèle de la manière dont la stabilité politique peut favoriser la reprise économique. Malgré l’intervention de la Troïka et les mesures d’austérité, le gouvernement stable de gauche du Portugal a pu mettre en œuvre les réformes nécessaires pour restaurer la confiance des marchés et atteindre une croissance économique soutenue.
L’évolution de la note de crédit du Portugal est la preuve de ce succès. En moins d’une décennie, le Portugal est passé d’un statut de «junk» à un statut «investment grade » (comme en témoigne le BBB+ d’EthiFinance Ratings avec une perspective positive), tandis qu’en France, les fondamentaux du crédit continuent de se détériorer.
Aujourd’hui, l’écart entre les deux pays n’est plus que de deux crans.
Pour un pays où la moitié de la dette nationale est détenue par des investisseurs étrangers, la France ne peut pas se permettre des querelles politiques qui n’apportent aucun bénéfice économique. Elle doit donner la priorité à la création d’un environnement de stabilité et de confiance pour attirer les investissements nécessaires.
Plus d'articles du même thème
-
Le levier de la prospective stratégique au service de la banque de demain
La capacité des banques à anticiper les différents scénarios possibles est désormais un impératif stratégique, estime Alexandra Zana, Vice President, chargée des institutions financières chez Mastercard -
BC Partners Credit excède l'objectif de souscriptions de son fonds Special Opportunities Fund III
Ce troisième flagship de la plate-forme de crédit du gérant américain a recueilli 1,4 milliard de dollars. -
L’âge d’or de l’Amérique se termine maintenant
Fossoyeur du multilatéralisme, le président Trump démantèle de manière systématique les instruments de la puissance américaine, estime la directrice des études économiques du Groupe Crédit Agricole.
Sujets d'actualité
ETF à la Une
Contenu de nos partenaires
-
Pénuries
En combat air-air, l'aviation de chasse française tiendrait trois jours
Un rapport, rédigé par des aviateurs, pointe les « vulnérabilités significatives » de la France en matière de « supériorité aérienne », décrivant les impasses technologiques, le manque de munitions et les incertitudes sur les programmes d'avenir -
Escalade
L'armée algérienne passe à la dissuasion militaire contre la junte malienne
La relation entre Alger et Bamako ne cesse de se détériorer ces derniers mois alors qu'ex-rebelles et armée malienne s'affrontent à la frontière algérienne -
En panne
Pourquoi les Français n’ont plus envie d’investir dans l’immobilier
L’immobilier était le placement roi, celui que l’on faisait pour préparer sa retraite, celui qui permettait aux classes moyennes de se constituer un patrimoine. Il est tombé de son piédestal. La faute à la conjoncture, à la hausse des taux, à la chute des transactions et à la baisse des prix, mais aussi par choix politique : le placement immobilier a été cloué au pilori par Emmanuel Macron via une fiscalité pesante et une avalanche de normes et d’interdictions