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Le règlement Emir 3.0 limite la nouvelle obligation de compenser des dérivés dans l’UE

Une tribune de Delphine Marchand, avocat, Knowledge counsel et Nadège Debeney, avocat, Senior associate, A&O Shearman Paris.
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Une tribune de Delphine Marchand, avocat, Knowledge counsel et Nadège Debeney, avocat, Senior associate, A&O Shearman Paris  -  DR

La proposition initiale de révision du règlement n°648/2012 (Règlement Emir) de la Commission européenne de 2022 avait pour objet de répondre au constat de la concentration des activités de compensation des produits dérivés libellés en euros hors de l’Union européenne et s’inscrivait dans le cadre de l’Union des marchés de capitaux. L’objectif affiché était d’améliorer le système de compensation centrale dans l’Union, en rendant les contreparties centrales de l’Union plus efficaces et plus attrayantes mais aussi de renforcer l’autonomie stratégique de l’Union.

À la suite de négociations interinstitutionnelles, le Parlement européen vient d’adopter en première lecture le projet de texte modifié de la proposition Emir 3.0, le 25 avril dernier et la publication du texte est attendue au second semestre 2024.

Néanmoins, son entrée en application «effective» devrait être plus tardive car la mise en œuvre de la plupart des nouveautés du texte est soumise à la publication de normes techniques, qui devrait survenir au cours de l’année 2025.

Si Emir 3.0 modifie les dispositions applicables directement aux contreparties centrales, d’autres mesures affecteront directement les acteurs du buy-side et du sell-side.

1. Adaptations des techniques d’atténuation des risques

Le calcul des seuils de compensation, dictant notamment l’application de certaines techniques d’atténuation des risques, a été modifié pour les contreparties non-financières pour que seules les positions non compensées soient prises en compte dans le calcul et le calcul ne s’effectuant plus au niveau du groupe mais uniquement au niveau de la contrepartie non-financière concernée.

Pour les contreparties financières, le calcul des seuils a été également modifié mais il n’impactera en pratique que l’obligation de compensation. Elles devront effectuer au niveau du groupe d’une part, le calcul de leurs positions non compensées et d’autre part, le calcul des positions compensées et non compensées. Les résultats de chacun des calculs devront être comparés à des seuils distincts.

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Par ailleurs, l’exigence d’obtenir une décision d’ «équivalence» a été remplacée dans le cadre de l’obligation de compensation et de l’exemption intragroupe à l’obligation d’échanger des marges par une liste de juridictions pour lesquelles une exemption ne peut pas être accordée. Il s’agit des pays tiers dont la réglementation présente des lacunes stratégiques dans leur régime de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme et des juridictions non coopératives d’un point de vue fiscal. Il faudra néanmoins toujours s’appuyer sur une décision d’équivalence dans le cadre des techniques d’atténuation du risque hors contexte intragroupe.

L’obligation de déclaration a été également renforcée, malgré l’entrée en vigueur récente des nouvelles règles applicables sous l’égide d’EMIR Refit. Les contreparties doivent garantir la qualité des données qu’elles déclarent sous peine de sanctions spécifiques.

2. Encourager la compensation des dérivés OTC dans l’Union

La nouveauté la plus discutée d’Emir 3.0 est incontestablement l’exigence pour les contreparties financières et les contreparties non-financières soumises à l’obligation de compensation de détenir un compte actif auprès d’une contrepartie centrale agréée dans l’Union et de compenser un nombre significatif d’opérations sur ce compte actif. Concrètement, les produits dérivés dans le champ de cette obligation sont les dérivés de taux d’intérêt à court terme libellés en euros et les dérivés de taux d’intérêt libellés en euros ou en zlotys.

Le critère du caractère représentatif du nombre de transactions a été au cœur des discussions. De nombreux aménagements ont été introduits au principe de compenser au moins cinq transactions dans chacune des sous-catégories les plus importantes par classe de contrats dérivés et par période de référence. C’est pourquoi la portée de cette nouvelle obligation doit être relativisée. Les autorités auront les moyens de surveiller le respect de ces exigences grâce à un système de déclaration. Une évaluation de l’efficacité de ces dispositions pour atténuer les risques pour la stabilité financière de l’Union que représentent les expositions des contreparties de l’Union aux contreparties centrales qui proposent des services d’importance systémique substantielle est prévue 18 mois après l’entrée en vigueur de Emir 3.0.

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Emir 3.0 poursuit également l’objectif d’EMIR Refit de promouvoir une transparence accrue sur les conditions entourant la compensation. Les clients devront être informés des services de compensation offerts au sein d’une contrepartie centrale de l’Union, ainsi que des coûts liés à la compensation. Les clients et les membres compensateurs devront également communiquer aux autorités compétentes un rapport sur le type de transactions compensées auprès d’une contrepartie centrale « reconnue » au sein de l’Union.

Par ailleurs, une nouvelle exemption à l’obligation de compensation est créée et concerne les produits dérivés de gré à gré conclus à la suite d’un exercice de réduction du risque post-négociation.

3. Impacts sur la collatéralisation des produits dérivés à gré

Emir 3.0 confirme l’exemption à l’échange de marges (marges de variation et marge initiale) des options sur une seule action et les options sur indice d’actions non compensées.

Emir 3.0 impose également aux contreparties financières et non financières excédant les seuils de compensation de demander l’agrément de leurs autorités compétentes avant d’utiliser ou de modifier leur modèle de calcul de la marge initiale. Les autorités auront six mois ou trois mois pour répondre selon qu’il s’agit respectivement d’une approbation initiale du modèle ou de l’approbation d’une modification à celui-ci. Lorsque le modèle est un modèle pro forma, les contreparties concernées demanderont la validation à l’Autorité Bancaire Européenne.

Les normes techniques de réglementation devraient utilement éclairer les nouveautés et les premiers projets sont très attendus par les acteurs.

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