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La fintech accélère encore sa montée en puissance

Un bond de près de 80% du chiffre d’affaires des cent premiers acteurs de la fintech française d’une année sur l’autre, à 1,9 milliard d’euros : c’est l’illustration du véritable coup d’accélérateur dont bénéficie l’activité de ces jeunes pousses de la finance. Elles se montrent d’ailleurs très optimistes quant à leur avenir : plus de 80% d’entre elles tablent sur une croissance supérieure à 30% en 2023 comme en 2024 et elles recrutent, puisque leurs effectifs ont grossi de près de 40% en 2022 (et 96% prévoient de recruter dans les six mois).
Menée pour la deuxième année par Truffle Capital et Finance Innovation, en partenariat avec le groupe BPCE et Sopra Steria, cette enquête (Palmarès Fintech 100) livre un panorama complet des tendances à l’œuvre dans cet univers. Les enseignements sont nombreux : leurs perspectives de croissance, mais aussi leurs principaux domaines d’activité, les technologies sur lesquelles elles s’appuient, les marchés et clientèles visés, leurs cadres réglementaires, leurs politiques RH, leurs modes de collaboration avec leur écosystème et bien sûr leurs défis du moment !
Les paiements, premier domaine d’activité
En termes de domaines d’activité, la hiérarchie évolue : le trio de tête est désormais composé, dans l’ordre, des paiements, suivis de l’assurance et des services financiers aux entreprises. A eux trois, ils pèsent pour plus de 60% de l’activité des 190 fintechs ayant répondu à l’enquête. « Les services financiers aux entreprises, inaccessibles auparavant car trop coûteux en ressources humaines, s’adressent spécifiquement aux petites entreprises et sont très automatisés pour être plus rentables. Nous devrions d’ailleurs assister à une montée en puissance de la regtech et du process automation, l’automatisation des processus de contrôle » constate Bernard-Louis Roques, co-fondateur et directeur général de Truffle Capital. Sans surprise, dans un univers financier très régulé, afin d’exercer leur activité, une large proportion des acteurs (61%) déclare disposer d’un agrément ou d’une autorisation. Principalement deux activités le nécessitent : l’assurance (« Intermédiaire en assurance » pour 37%) et le paiement (entre 19 et 21% selon les agréments).
Un investissement massif en R&D
La capacité d’innovation est bien sûr clé pour parvenir à pérenniser un business model. C’est ainsi par exemple que « le métier des paiements est de plus en plus technique et complexe, ce qui nécessite des investissements importants. Seuls les acteurs capables d’investir pour maîtriser ces innovations réussiront à se développer », assure Frédéric Burtz, Chief Technical and Innovation Officer de BPCE Digital & Payments - Groupe BPCE. Dans cette perspective, les fintechs françaises investissent massivement en R&D. « L’enjeu pour ces entreprises est de développer une technologie propriétaire pointue, capable de créer de la valeur en érigeant une barrière à l’entrée, voire en disruptant certains business models » ajoute Bernard-Louis Roques. Près des deux tiers d’entre elles consacrent plus de 20% de leur chiffre d’affaires à la R&D et ceci sur quelques technologies phares : outre le développement de logiciels (33% des répondants), les quatre principales technologies sur lesquelles s’appuie le développement de leurs sociétés sont : l’intelligence artificielle (18%), l’API management (17%), la data management (14%) et la blockchain (6%). « Cependant, la création de valeur s’appuie sur l’expérience client et elle passe par la combinaison de plusieurs technologies. Le développement de logiciels permet de combiner différents services accessibles via des API dans tous les domaines, transactionnels (paiement, crédit…), intelligence artificielle (data mining, crédit scoring, IA générative…), cyber, etc. » observe Bruno Cambounet, Head Of Research de Sopra Banking Software.
Toujours plus de collaborations avec des grands groupes
Commune à l’ensemble des secteurs, la tendance de fond est la collaboration avec des groupes bancaires (51%) et d’assurance (31%). Plus de 80% des fintechs ont noué ce type de partenariat, dans une perspective d’abord « commerciale » (83%), mais aussi « technologique » (45%). « Nous entrons dans une période nouvelle, de croissance soutenue de l’activité des fintechs, tirée en partie par l’appétit des grands groupes bancaires et d’assurance, souhaitant nouer des partenariats avec ces acteurs innovants, afin d’être accompagnés dans leurs projets de digitalisation », confirme Maximilien Nayaradou, directeur général de Finance Innovation. De même, pour Bruno Cambounet, « il y a certainement une prise de conscience tant des banques que des fintechs que la collaboration passe par le développement de modèles mixtes. En pratique, la distinction BtoB versus BtoC n’a plus vraiment de sens et la plupart des fintechs distribuent leurs services tant en vente directe qu’en indirect ». Et en effet, le « BtoBtoC » est l’approche de 42% des fintechs et le « BtoBtoB » de 25% d’entre elles. « En tant que banque, nous distribuons des services à nos clients dans une logique de « bank as a platform ». Dans le cadre de partenariats commerciaux et technologiques, facilités par le principe de l’open banking, des marchés très importants se sont ouverts » ajoute Frédéric Burtz.
Un défi majeur : la pénurie de talents
Enfin, si l’optimisme est de mise, les fintechs reconnaissent devoir faire face à plusieurs enjeux. En premier lieu, et c’est un défi qui prend de l’ampleur, la pénurie de talents est crainte par près de la moitié des acteurs (49% contre 36% en 2022). L’une des réponses, pour ces entreprises à l’origine très franciliennes, est de « développer des back offices en région (en particulier en R&D, KYC ou compliance) et plus largement d’offrir une plus grande flexibilité en termes de conditions de travail » souligne Maximilien Nayaradou. A l’inverse, alors que les levées de fonds ont nettement reculé l’année dernière (-63% à 1,13 milliard d’euros), la « disponibilité des financements » n’est un risque que pour 30% de ces entreprises. Pour plus des deux tiers d’entre elles, les financements ont donc été suffisamment sécurisés pour permettre la poursuite de leur fort développement.
Un objectif de performance opérationnelle
C’est sans doute un changement de paradigme qui s’est ainsi dessiné en 2022, avec la fin de l’abondance de capitaux et la nécessité de s’atteler au développement d’une croissance rentable. « Les business models des fintechs doivent désormais d’avantage être fondés sur le ROI que sur la croissance effrénée. Les performances opérationnelles vont prendre plus d’importance », anticipe Bernard-Louis Roques.