Finance d'entreprise

L’Etat doit renforcer son rôle face au marché du carbone volontaire

Par Sylvain Bergès, avocat au barreau de Paris, associé du cabinet Racine
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Jean-Baptiste Colbert et John Maynard Keynes ont démontré le rôle et l’efficacité de l’Etat dans l’organisation des marchés. Le fonctionnement actuel du marché de la compensation carbone volontaire montre ses limites. Il est temps que les Etats interviennent. L’objectif de cette intervention sera atteint si l’on arrive à rendre crédibles les mécanismes de compensation et à leur assurer une place de choix dans la lutte contre le réchauffement climatique.

Une récente enquête menée par The Guardian, Die Ziet et SourceMaterial concernant Verra, le principal certificateur mondial de crédits carbone volontaire, révélait que plus de 90 % de leurs crédits de compensation pour les forêts tropicales étaient surévalués. BHP, Shell ou encore easyJet faisaient partie des dizaines d’entreprises ayant acheté ces compensations volontaires inefficaces. Si le certificateur a depuis annoncé l’adoption d’une nouvelle méthodologie d’évaluation, le constat est préoccupant. Malgré l’existence de mécanismes de certification, l’efficacité environnementale de ces crédits n’est pas garantie et l’opacité du marché est décriée.

Un processus de certification qui ne fait pas l’unanimité

C’est le protocole de Kyoto qui a instauré, en 2005, le principe de la compensation carbone volontaire – en opposition à la compensation obligatoire, applicable aux plus gros pollueurs (dite SEQE-UE). L’objectif est de permettre à tout un chacun – y compris les entreprises – de compenser les émissions de gaz à effet de serre en finançant des projets de réduction, d’évitement ou de capture du CO2.
Ces projets sont certifiés par des organismes privés, et chaque tonne de CO2 réduite, évitée ou séquestrée permet d’obtenir un crédit carbone volontaire, échangé sur le marché mondial non régulé. Poussé par le développement des politiques de responsabilité sociétale des entreprises, le marché du carbone volontaire est en pleine croissance. Ce dernier représentait un milliard d’euros en 2021. La demande mondiale pourrait être multipliée par 15 d’ici à 2030, et par 100 d’ici à 2050. Malgré ces enjeux majeurs, et en dépit de l’objectif ambitieux de neutralité carbone à l’horizon 2050, l’Etat peine étrangement à se saisir du sujet.

Si les sanctions pénales relevant du greenwashing, c’est-à-dire les allégations environnementales susceptibles de constituer une pratique commerciale trompeuse, ont été renforcées en 2021, l’Etat n’a pas adopté de cadre juridique pour la compensation carbone volontaire. Les certificateurs et intermédiaires en tout genre promettent l’atteinte d’objectifs irréalistes. Les entreprises pensent bien faire sans certitude.

Les référentiels d’évaluation des projets, utilisés par les organismes de certification, ne font l’objet d’aucune homologation. Chaque référentiel peut pourtant conduire à des résultats très différents pour un même projet, ce que la récente enquête concernant Verra a pu révéler. La traçabilité des crédits est en outre difficilement assurée, dès lors qu’aucun registre ne permet l’enregistrement et la vérification de chaque crédit carbone sur le long terme.

Renforçons le rôle de l’Etat !

Comment s’assurer, dans ces conditions, que les crédits carbone disponibles sur le marché servent réellement à compenser les émissions ? Un cadre régulatoire est impératif. Les acteurs privés (porteurs de projets, certificateurs, intermédiaires et financeurs) semblent incapables de s’autoréguler.

L’Etat, promoteur des luttes environnementales, doit créer des normes, harmoniser les méthodes de certification et établir les règles d’accès au marché volontaire afin que ce dernier soit efficient.

A ce titre, le Label bas-carbone, qui permet de certifier des projets de réduction d'émissions de gaz à effet de serre et de séquestration du carbone, a des effets limités car il ne concerne que les projets réalisés en France. Or de nombreux crédits carbone échangés aujourd’hui dans notre pays concernent des projets forestiers situés dans des pays en voie de développement, souvent certifiés par des labels internationaux non contrôlés.

De nouvelles réglementations apparaissent essentielles. A défaut, c’est le marché du carbone volontaire qui risque de perdre son crédit.

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