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Les financements durables doivent gagner en maturité

Après un démarrage prometteur, le marché des obligations Sustainability-Linked (SLB) subit un coup de frein marqué depuis la fin de l’année dernière. Et même s’ils sont parfois plus difficiles à tracer du fait de leur confidentialité pour des club deals ou prêts bilatéraux, les prêts Sustainability-Linked (SLL) semblent suivre la même tendance. Pour autant, ces instruments de financement répondent toujours largement aux besoins des investisseurs et des créanciers, sept ans (pour les prêts) et cinq ans (pour les obligations) à peine après leur lancement. Ce recul des émissions pourrait-il quand même présager d’un rebond marqué l’année prochaine ?
Un enjeu stratégique et de mise en conformité
Commençons par analyser les raisons de ce recul d’instruments labélisés Sustainability-Linked par les émetteurs aussi bien que les emprunteurs. Un peu moins de six mois avant la publication de leur nouveau rapport de durabilité, la mise en œuvre de la directive CSRD somme les entreprises concernées d’identifier précisément les sujets sur lesquels elles entendent progresser, puis de tracer une trajectoire d’amélioration via un plan de transition.
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Au-delà de la mise en conformité, ce nouveau cadre réglementaire impose donc une réflexion stratégique poussée, qui touche jusqu’à l’organisation et la gouvernance des entreprises. L’enjeu concerne aussi très largement les directions financières, qui doivent à la fois modéliser l’impact économique des transformations envisagées et participer à la structuration de référentiels de données dans la perspective des futurs rapports extra-financiers. De plus, cet exercice implique l’interaction entre les différentes directions et départements d’une entreprise, ne serait-ce que pour obtenir les informations nécessaires à une première évaluation de la double matérialité demandée par le régulateur.

Ce contexte pourrait expliquer en partie la baisse des émissions d’obligations et de prêts Sustainability-Linked (SLB et SLL) au cours des derniers mois. La particularité de ces instruments est en effet que leurs marges ou taux d’intérêt sont indexés sur l’évolution d’une batterie de critères de durabilité choisis par l’entreprise.
En clair, le coût de ces financements est en partie tributaire de l’atteinte ou non d’objectifs extra-financiers prédéterminés. Les banques et les investisseurs sont particulièrement attentifs à la matérialité, l’ambition mais aussi à la pertinence des indicateurs aussi bien que des objectifs choisis. CSRD est un nouveau corpus normatif, vaste et complexe qui exige un long temps d’exégèse, préalable à une réflexion incompressible, puis à la formalisation d’une trajectoire qui soit propre à chaque entreprise. Cela devrait permettre une meilleure visibilité, transparence et comparabilité des indicateurs et des performances.
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Répondre aux attentes des investisseurs
La mise en place de cette nouvelle réglementation ralentit-elle les émissions depuis plusieurs mois et s’apparentera-t-elle à une simple phase de transition ? Espérons-le ! Alors que les structures de ces instruments sont désormais largement normalisées, la directive permettra de rendre les trajectoires à la fois plus lisibles et plus ambitieuses, ce qui permettra justement aux émetteurs de répondre au mieux aux principaux critères de sélection des investisseurs et des créanciers.
Un essor de ces émissions est donc possible l’année prochaine, mais il pourrait se faire en plusieurs temps. Mieux équipés et accompagnés, les grands groupes pourraient réanimer le marché les premiers. Puis le gros des émetteurs suivra progressivement, à mesure que les entreprises moyennes auront pris le temps de s’approprier ce nouveau cadre, consacrant ces instruments comme des sources de financement majeures de la transition vers des modèles plus durables, alignant ainsi leurs stratégies et leurs ambitions avec leurs financements. Après le temps de l’émergence, viendra sans doute le temps de la maturité pour les SLB et les SLL grâce à la directive CSRD.
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