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L’achat direct d'électricité d’origine renouvelable par les entreprises constitue une vague montante

En France, les voyants sont au vert pour la poursuite de la belle dynamique de développement des corporate power purchase agreements (CPPAs). Plusieurs signaux forts ont été envoyés au marché en fin d’année 2023, ce qui augure de beaux jours pour l’avenir de ces contrats d’achat d’électricité verte qui lient directement ou indirectement les producteurs d’électricité d’origine renouvelable aux entreprises, consommatrices finales d’énergie décarbonée.
La Commission de régulation de l’énergie (CRE) a appelé, dans sa délibération du 17 juin 2021 portant avis relatif aux sept projets de cahiers des charges d’appels d’offres pour le soutien à la production d’électricité d’origine renouvelable pour la période allant de 2021 à 2026, à un développement plus important des énergies renouvelables sans aide publique, notamment via la signature de contrats de corporate PPAs.
Le lancement le 1er septembre 2023 du fonds de garantie pour les contrats de gré à gré d’approvisionnement en électricité renouvelable opéré par Bpifrance (banque publique d’investissement française) est une manifestation pratique de la volonté de l’Etat français d’encourager le recours aux corporate PPAs.
Le sujet de la solvabilité à long terme
Par ce dispositif, l’Etat a souhaité rendre accessibles les corporate PPAs à des acheteurs industriels, en leur offrant une solution afin d’atténuer le risque de contrepartie supporté par les producteurs dans le cadre de la conclusion de corporate PPAs. Il faut dire que toute l’économie du contrat repose sur les flux financiers qui seront versés par l’acheteur en contrepartie de la vente de l’électricité et des garanties d’origine (voire des garanties de capacité) et un défaut de l’acheteur est de nature à compromettre le remboursement de la dette et le retour sur investissement du producteur.
Or, il est extrêmement difficile d’évaluer la solvabilité d’un acheteur à plus de cinq ans et les corporate PPAs sont en général conclus pour de longues durées. Dans ce contexte, des garanties sont demandées aux acheteurs par les producteurs. Classiquement, le risque de contrepartie est couvert par la mise en place de garanties bancaires à première demande et/ou de garanties maison-mère en fonction de la solidité financière du groupe de la société acheteuse.
La Garantie Electricité Renouvelable de Bpifrance (GER) offre une option alternative permettant de couvrir la perte de revenus du producteur d'électricité renouvelable en cas de défaillance de l’acheteur industriel à hauteur de 80% de la perte subie, sur une durée inférieure ou égale à la durée du Corporate PPA, dans une limite de 10 à 25 ans. Il s’agit d’un instrument intéressant qui a d’ores et déjà été utilisé dans le cadre de la conclusion d’un corporate PPA conclu par Arkolia avec Bonduelle en octobre 2023.
A lire aussi: Bpifrance étrenne une garantie dans l’électricité verte
Mais cette option n’est malheureusement pas accessible à tous, la GER n’étant à ce jour ouverte qu’aux industriels ayant un siège social en France dans une activité extractive ou manufacturière et aux centrales photovoltaïques ou éoliennes terrestres en métropole répondant au critère de l’additionnalité (i.e. de nouveauté) et ayant un volume minimum d'électricité garanti de 10 GWh / an.
Se prémunir de la volatilité des prix
Premier constat prometteur, le nombre d’entreprises souhaitant conclure des corporate PPAs se multiplie. La conclusion d’un corporate PPA est en effet un excellent instrument pour répondre au double défi auquel font face les entreprises : bien gérer leur approvisionnement énergétique tout en contribuant aux enjeux du développement durable. L’électricité constituant un poste de coûts important pour les industriels, l’évolution des prix de marché de gros peut peser lourdement sur la compétitivité de l’industrie.
Dans ce cadre, contracter un corporate PPA, généralement à prix fixe ou prévisible, permet de stabiliser le coût d’approvisionnement électrique et de se prémunir, au moins partiellement, de la volatilité des prix de marché. L’adoption d’une démarche responsable facilitant le développement de nouvelles installations de production renouvelables et permettant de justifier de la consommation d'énergie produite à partir de sources renouvelables - via l’acquisition d’un volume de garanties d’origine équivalent au volume d'électricité acquis dans le cadre du corporate PPA - est une autre motivation importante pour les entreprises acheteuses.
En parallèle des nouveaux entrants sur le marché des Corporate PPAs, certaines entreprises ayant déjà signé des Corporate PPAs choisissent de renouveler l’expérience pour accroître la part de renouvelable dans leur consommation, ce qui est un signe très positif. Autre bonne nouvelle : la signature par Lhyfe, société pionnière dans la production et fourniture d’hydrogène vert et renouvelable, de deux corporate PPAs au cours de l’été 2023 pour l’approvisionnement en électricité verte de certaines de ses installations de production. L’un d’une durée de seize ans avec VSB Energies Nouvelles relatif au parc éolien de Buléon inauguré en juin 2021 doté d’une puissance totale de 13,2 MW. L’autre d’une durée de quinze ans avec Kallista Energy concernant un parc éolien qui totalisera une puissance totale de 15 MW après repowering.
Les producteurs intéressés
Cela illustre d’une part l’attractivité des corporate PPAs pour les producteurs qui sont prêts à renoncer au mécanisme de soutien de l’Etat pour conclure un contrat de gré-à-gré à un tarif plus intéressant, et d’autre part la multiplication des potentiels acheteurs d’électricité verte. La signature de corporate PPAs par les producteurs d’hydrogène présente beaucoup de défis (notamment s’agissant du choix de l’entité signataire et de la gestion de la corrélation temporelle entre production d’énergies renouvelables et production d’hydrogène vert ou bas carbone). Toutefois, au regard des ambitions françaises en termes de développement d’hydrogène « renouvelable », il est raisonnable de penser que le nombre de corporate PPAs signés par des producteurs d’hydrogène souhaitant répondre aux critères RFNBO (Renewable Fuels from Non Biologic Origin) posés par la Commission européenne va croître.
Les corporate PPAs ne fonctionnent pas seuls. Des tiers au contrat exercent une influence considérable sur son contenu, et notamment le responsable d’équilibre qui fournit des prestations de prévisions et d’équilibrage pour le producteur et l’entreprise acheteuse. Les responsabilités de chacune des parties au corporate PPA vis-à-vis du responsable d’équilibre sont en général longuement détaillées et leur répartition peut donner lieu à de nombreuses discussions. Autre intervenant, le fournisseur principal de l’entreprise acheteuse ou son agrégateur qui doit intégrer le volume et la courbe de charge des actifs du corporate PPA dans son offre à l’acheteur et fournir le résiduel de consommation de l’acheteur correspondant à la différence entre la consommation de l’acheteur et la production des actifs objets du corporate PPA.
Enfin, les banques et institutions financières qui financent et refinancent le projet objet du corporate PPA sont également à prendre en compte. En vue d’assurer la «bancabilité» du corporate PPA, une attention particulière est notamment accordée à la durée du corporate PPA, au prix convenu, à la qualité de signature de l’acheteur (et aux garanties de paiement données), au calendrier des engagements pris par le producteur, aux cas de résiliation ouverts et à l’indemnité de résiliation prévue. Avec le recul de ces dernières années, les acteurs du marché disposent d’une meilleure visibilité sur les exigences de chacun, ce qui est de nature à rassurer les plus prudents. Il n’en reste pas moins que les corporate PPAs demeurent des contrats relativement complexes pour les non initiés.
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