- Energie
- Tribune
La fin du dispositif Arenh va permettre la refonte du marché de l’électricité

L’Accès Régulé à l’Electricité Nucléaire Historique, connu sous l’acronyme ARENH, a été particulièrement mis en lumière lors de la crise énergétique qui a commencé en 2021. Ce dispositif n’est toutefois pas nouveau puisqu’il a été mis en place en 2011 par la loi NOME du 7 décembre 2010 afin de permettre le développement de la concurrence dans la fourniture d’électricité. Pour rappel, ce mécanisme permet aux fournisseurs alternatifs d’acheter, auprès d’EDF, à prix fixe établi réglementairement et donc en dehors des règles du marché, une partie de l’énergie produite par les centrales nucléaires existantes.
Le prix d’achat était fixé à 42c€/MWh ce qui assurait un prix compétitif, jusqu’au plafond, l’écart avec les autres sources de production d’électricité ayant tendance à se réduire néanmoins.
L’arrêt de l’ARENH a été programmé depuis le début au 31 décembre 2025.
Texte en attente
Se posait ainsi la question de la suite… En effet, le nucléaire « historique » continue de produire et la concurrence entre les fournisseurs alternatifs et le fournisseur historique doit être maintenue. Plusieurs options ont été envisagées et, en novembre 2023, l’Etat a annoncé le dispositif choisi qui doit encore faire l’objet d’une traduction textuelle.
Dans la mesure où de nombreuses offres de fournisseurs d’électricité sont assises, au moins en partie, sur l’ARENH et donc sur un tarif d’environ 42€/MWh et où ce dispositif assurait, jusqu’au plafond, un volume d’électricité précis à un coût stable et anticipé, la fin de l’ARENH aura nécessairement des conséquences directes sur la fourniture d’électricité des particuliers et des entreprises.
Plafonnement autour de 70 euros
EDF et L’Etat ont ainsi convenu de définir un prix de vente de référence de l’électricité nucléaire qui a été fixé à 70€/MWh. Cela a été présenté comme un « bouclier tarifaire permanent » pour les consommateurs bien que le mécanisme soit un peu différent. Il s’agit en effet d’un mécanisme de plafonnement des prix qui doit prendre effet lorsque les prix seront supérieurs à ce prix d’équilibre, ou prix de référence. Le principe est ainsi que si les prix augmentent, cette hausse ne sera pas répercutée sur les consommateurs au bénéfice du fournisseur. Deux paliers sont fixés avec des seuils de 50%, à partir de 78€, et 90%, à partir de 110€, de redistribution des sur-revenus aux consommateurs. Il s’agit donc d’un mécanisme ex-post.
Ce mécanisme doit intégrer non seulement l’électricité produite à partir du nucléaire existant mais aussi du nouveau nucléaire et couvre l’ensemble de la production nucléaire, plus seulement le volume de 100TWh de production prévu par l’ARENH.
En parallèle de ce prix de référence, un mécanisme de contrats de long terme, pour une durée de plus de 10 ans, sur les actifs de production nucléaire (CAPN – contrat d’allocation de production nucléaire) est mis en place, à l’image des CPPAs connus pour les actifs renouvelables.
Prévisibilité
Ce qui est recherché ici, c’est la stabilité et la prévisibilité que l’ARENH apportait au consommateur et au fournisseur. Pour EDF, c’est le moyen de financer les nouveaux actifs nucléaires mais aussi le maintien du nucléaire existant puisque les CAPN reposent sur le paiement d’une « avance de tête ». C’est aussi une brique dans la mise en œuvre d’un nouveau marché de l’électricité.
Les CAPN vont surtout concerner les électro-intensifs, auxquels le Ministre de l’économie s’est ainsi récemment adressé afin que des lettres d’intention soient conclues permettant ainsi de sécuriser les débouchés du nouveau nucléaire.
Il faut également prendre en compte le fait que les contrats de fourniture d’électricité sont en général conclus à moyen terme. En 2024, peuvent ainsi être négociés des contrats qui seront mis en œuvre en 2027 ou 2028, soit après la fin de l’ARENH. C’est ainsi qu’EDF a mis aux enchères 100 MW d’électricité nucléaire pour 2027-2028, le prix ayant été déterminé à 77€/MWh pour le Cal 27 et jusqu’à 85€/MWh pour le Cal 28.
L’enjeu est ainsi triple :
- L’avenir du mix énergétique français puisqu’il faut intégrer les capacités nucléaires, notamment les EPR2 annoncés par l’Etat, dans le marché de l’électricité. Le nouveau nucléaire doit ainsi être financé.
- Permettre la décarbonation de l’industrie et l’électrification des usages en assurant un accès à un prix de l’électricité supportable par les industriels et les entreprises.
- Assurer une stabilité des prix et une prévisibilité pour l’ensemble des consommateurs en ce comprises les entreprises, petites, moyennes ou grandes y compris les électro-intensifs.
La fin de l’ARENH constitue ainsi à la fois un profond changement puisque les fournisseurs n’auront plus accès à un volume d’électricité à prix fixe et faible (jusqu’au plafond néanmoins) mais aussi une opportunité de refonte du marché de l’électricité en remettant le nucléaire dans un système concurrentiel qui permettra la comparaison des différentes sources d’électricité et mettra peut-être enfin un terme aux débats sans fin et infondés sur l’absence de compétitivité des énergies renouvelables.
Plus d'articles du même thème
-
Le gaz naturel sera au centre des négociations sur les droits de douane
Les tarifs commerciaux pourraient être conditionnés aux contrats sur le GNL américain si les pays européens et asiatiques souhaitent en faire un levier de négociation avec les Etats-Unis. La volatilité va rester la règle pendant quelques mois. Au-delà, une croissance de l’offre supérieure à la demande devrait progressivement faire baisser les prix. -
Le levier de la prospective stratégique au service de la banque de demain
La capacité des banques à anticiper les différents scénarios possibles est désormais un impératif stratégique, estime Alexandra Zana, Vice President, chargée des institutions financières chez Mastercard -
L’âge d’or de l’Amérique se termine maintenant
Fossoyeur du multilatéralisme, le président Trump démantèle de manière systématique les instruments de la puissance américaine, estime la directrice des études économiques du Groupe Crédit Agricole.
Sujets d'actualité
ETF à la Une
Contenu de nos partenaires
-
Pénuries
En combat air-air, l'aviation de chasse française tiendrait trois jours
Un rapport, rédigé par des aviateurs, pointe les « vulnérabilités significatives » de la France en matière de « supériorité aérienne », décrivant les impasses technologiques, le manque de munitions et les incertitudes sur les programmes d'avenir -
Escalade
L'armée algérienne passe à la dissuasion militaire contre la junte malienne
La relation entre Alger et Bamako ne cesse de se détériorer ces derniers mois alors qu'ex-rebelles et armée malienne s'affrontent à la frontière algérienne -
En panne
Pourquoi les Français n’ont plus envie d’investir dans l’immobilier
L’immobilier était le placement roi, celui que l’on faisait pour préparer sa retraite, celui qui permettait aux classes moyennes de se constituer un patrimoine. Il est tombé de son piédestal. La faute à la conjoncture, à la hausse des taux, à la chute des transactions et à la baisse des prix, mais aussi par choix politique : le placement immobilier a été cloué au pilori par Emmanuel Macron via une fiscalité pesante et une avalanche de normes et d’interdictions