Finance d'entreprise

La compensation carbone volontaire sert des entreprises engagées dans la transition climatique

Une tribune de Matthieu de Lesseux, président de la start-up française La Belle Forêt, sur l’utilité des crédits carbone.
La Belle Forêt
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Le marché carbone volontaire subit des critiques  - 

Le temps est à la polarisation. On aime ou on déteste, sans prendre le temps d’écouter pour tenter peut-être de trouver un compromis voire… une solution.

A l’image de ce qu’il se passe dans le paysage politique, le marché carbone volontaire subit également cette tendance. Cet outil permet à des entreprises d’investir dans des initiatives réduisant les émissions de gaz à effet de serre (GES) ou les séquestrant. En pratique, soit on soutient les projets de contribution carbone dans un souci d’actions immédiates au profit du climat mais aussi de l’environnement (co-bénéfices biodiversité, forêts, eau…) ; soit on dénonce vertement ce mécanisme, sous couvert qu’il servirait de «droit à polluer» pour les entreprises, de greenwashing organisé.

Où se trouve la nuance ; où se trouve la volonté de réfléchir en commun à la création d’un modèle vertueux et performant plutôt qu’à la simple injonction ou condamnation ; si quelque chose est imparfait, vaut-il mieux travailler à son amélioration ou l’anéantir au profit de… rien d’autre ?

Les récents débats autour du référentiel mondial de la décarbonation, la SBTi (Science Based Target initiative), et de son annonce d’intégrer la compensation carbone dans sa méthodologie en sont le parfait exemple. En avril dernier, le label annonçait vouloir faire évoluer sa méthodologie afin de pouvoir permettre aux entreprises d’acheter des crédits carbone pour compenser leurs émissions de scope 3 et valider leur trajectoire basée sur la science – provoquant alors une levée de boucliers de la part d’ONG et de certains scientifiques. Le mardi 20 juillet, la SBTi a fait volte-face et conclu dans son rapport que de nombreux types de crédits carbone étaient «inefficaces» et représentaient même des «risques» pour les entreprises - comme celui de freiner leur transition vers la neutralité carbone -, l’utilisation des crédits carbone ne pouvant se substituer à une véritable stratégie de réduction des émissions.

Effectivement. Évidemment. Mais là n’est pas l’enjeu.

L’enjeu réside dans le fait que si chacun s’acharne à diaboliser et limiter tout projet et initiative visant à limiter les émissions de GES - puisque telle est la mission fondamentale du marché carbone volontaire -, on s’expose alors au risque de le voir se déliter. Or, compte tenu de notre incapacité à tenir une trajectoire cohérente visant une neutralité carbone nous maintenant sous la barre des +2°C, l’achat de crédits carbone (pas n’importe lesquels, ceux de haute intégrité, générés par des projets aux bénéfices objectivement mesurés et certifiés) reste un outil fondamental de l’action.

Ne pas se tromper de combat

Il s’agit d’agir bien entendu sur la réduction de l’empreinte carbone à la source, priorité des priorités, mais aussi d’accélérer la contribution à la neutralité carbone globale. Et tout cela concomitamment, en complémentarité, sans perdre de temps face à un climat qui s’emballe. Nous n’en avons plus les moyens.

Car c’est simplement une question de réalisme que de proposer aux entreprises des alternatives, le temps pour elles de mettre en place les transformations profondes nécessaires leur permettant d’entrer dans les clous que les textes officiels, tels que la CSRD, leur imposent quoi qu’il arrive.

Et dans les faits cela fonctionne : les entreprises ayant le plus recours au marché carbone volontaire, sont aussi celles qui réduisent le plus leurs émissions, investissant trois fois plus dans les stratégies de réduction. C’est un fait. C’est la réalité, selon l’enquête Ecosystem Marketplace 2024 sur 7.000 entreprises interrogées.

Alors pourquoi tout de suite présupposer que si le SBTi intègre ce mécanisme dans la mesure de trajectoire réalisée par les entreprises, celles-ci vont en profiter pour laisser tomber toute démarche d’amélioration ? C’est uniquement voir les entreprises comme absolument ignorantes de l’impact que va avoir, ou a déjà, le changement climatique sur la pérennité de leur modèle d’affaires.

Pourquoi alors ne pas, conjointement, tous travailler à définir pour ce marché les critères de méthodes de haute intégrité, suivies, transparentes, vérifiées et certifiées, afin d’offrir aux entreprises un recours bienfaiteur en parallèle des efforts qu’elles doivent bel et bien fournir dès maintenant pour réduire leur impact, s’adapter, voire restaurer des écosystèmes, et ainsi participer à un avenir désirable ?

Ne nous trompons pas de combat. Le marché carbone n’est pas la cible. L’inaction, la critique systématique et l’opacité le sont.

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