Finance d'entreprise

Fiscalité européenne : multiplication des régimes et absence de vision globale

Emmanuel Millard, président de la DFCG et président international CFO Alliance, estime complexe et imprécis le nouveau projet d’assiette consolidée européenne.
Secrétaire général du groupe Endrix
Commission européenne
Une nouvelle proposition de directive, nommée «Befit» (Business in Europe : Framework for income taxation) vise à un régime fiscal consolidé européen  -  Crédit European Union

La Commission européenne a publié le 12 septembre 2023 une nouvelle proposition de directive, nommée «Befit» (Business in Europe : Framework for income taxation), pour un régime fiscal consolidé européen.

Ce projet prévoit ainsi (i) une consolidation des pertes et profits d’entités situées dans différents Etats membres, (ii) l’élimination des retenues à la source entre entités Befit et (iii) la sécurisation des prix de transfert pour certaines transactions.

Référence au cadre fiscal international

Si le projet de Directive Befit s’inspire des consensus dégagés dans le cadre de la réforme fiscale internationale «Beps 2.0» (Pilier 1 et Pilier 2) en partant des comptes consolidés et en utilisant une formule d’allocation pour répartir la base fiscale, il s’en écarte en revanche suffisamment dans les modalités pour créer un système de consolidation fiscale complexe et partiel qui nécessitera une duplication des systèmes de retraitements comptables pour les entreprises soumises à la fois à Pilier 2 et BEFIT.

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En outre, la directive reste silencieuse quant à l’incidence de ce nouveau résultat fiscal agrégé sur le taux effectif d’imposition calculé selon la Directive GloBE. Il est dès lors à craindre que les avantages sur l’impôt du groupe tirés de la compensation des profits et des pertes ne soient annulés, partiellement au moins, par l’effet de l’application des règles minimum d’imposition (Pilier 2) ...

La date de transposition proposée est le 1ᵉʳ janvier 2028, avec une entrée en vigueur au 1ᵉʳ juillet 2028.

Au moins 750 millions d’euros de chiffre d’affaires

Les règles prévues par la directive s’appliqueront obligatoirement aux groupes de sociétés détenues directement ou indirectement à au moins 75%, dont les états financiers sont consolidés et dont le chiffre d’affaires est d’au moins 750 millions d’euros au cours d’au moins deux de ses quatre derniers exercices fiscaux (avec possibilité d’option pour les groupes qui ne remplissent pas la condition de chiffre d’affaires minimum de 750 millions d’euros).

Ces règles s’appliquent également aux groupes dont la société mère n’est pas dans l’Union dès lors que le sous-groupe dans l’Union excède certains seuils (5% du chiffre d’affaires global du groupe et 50 millions d’euros).

Le calcul de l’assiette consolidée part des résultats individuels en norme consolidée, ajustés pour arriver à la base taxable de chaque entité. Ces résultats sont ensuite agrégés pour obtenir l’assiette taxable consolidée qui est ensuite réallouée entre les entités.

Complexités

Cependant, même si on retrouve les grandes familles de retraitement des comptes consolidés de Pilier 2, les ajustements pour déterminer la base fiscale sont différents.

En outre, les Etats membres restent libres de procéder à des ajustements complémentaires de leur part de base taxable Befit après allocation et avant application du taux d’imposition !

La directive Befit prévoit une clé de répartition du bénéfice taxable consolidé «transitoire» fondée sur la proportion de la moyenne des résultats taxables des trois dernières années, mais sans indication de la règle définitive qui devra être soumise par la Commission au Conseil avant la fin de la troisième année d’application (ce sujet difficile de la clé de répartition avait déjà fait échouer les précédents projets d’assiette consolidée européenne).

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Enfin, et non des moindres problèmes, la directive Befit n’élimine pas les obligations de prix de transfert pour les transactions intra-groupe. Elle prévoit une sorte de sécurisation avec une approche d’évaluation du risque pour les transactions intra-Befit et une approche simplifiée des prix de transfert pour les activités de distribution de routine avec des entités associées, mais hors Befit. Là encore, cette approche de prix de transfert simplifiée, même si elle s’en approche, est différente de la méthode Montant B de Pilier 1 et crée ainsi une juxtaposition supplémentaire de méthodologies à appliquer.

Besoin d’harmonisation

Les entreprises attendent d’une consolidation fiscale européenne essentiellement une simplification et une sécurité financière, c’est-à-dire une véritable harmonisation de la base taxable consolidée, une élimination des prix de transfert et une clé de répartition définitive.

Le projet Befit requiert donc des ajustements significatifs pour être soutenu par les entreprises, à commencer par (i) résoudre l’écueil d’articulation avec Pilier 2 qui ne doit pas annuler les avantages de la consolidation fiscale européenne et (ii) réduire en complexité et incertitude avec une base taxable commune européenne identique à /ou partant de la base de GloBE.

La proposition de directive entre aujourd’hui dans sa phase de négociation entre les Etats membres et ne pourra être adoptée qu’à l’unanimité. Espérons que les préoccupations identifiées par les entreprises seront entendues et qu’on n’aboutisse pas à une usine à gaz fiscale !

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