
ESG, le casse-tête des notations

Les sociétés cotées ne peuvent plus se contenter de maximiser les profits, mais doivent s’assurer que leurs opérations sont durables et rendre compte de leurs pratiques environnementales, sociétales et de gouvernance (ESG). Les agences telles que Moody’s ou S&P notent les entreprises sur leurs pratiques ESG, chacune avec sa propre approche (Berg et al., 2022). Cette diversité n’est pas nuisible en soi. Les critiques proviennent du manque de transparence des méthodologies, des biais et des hypothèses qui sous-tendent les scores. Pour pallier l’opacité du marché et justifier leur engagement ESG, les investisseurs responsables développent des cadres d’analyse propriétaires qui correspondent à leur style d’investissement, à leurs convictions et à leur clientèle. Il en résulte, au-delà de la divergence des notations des agences, une diversité des opinions des investisseurs.
Il faut créer un flux systématique de données des investisseurs vers les émetteurs s’appuyant sur leurs scores ESG propriétaires internes
La communication entre les investisseurs et les émetteurs sur les enjeux ESG manque d’efficacité, de portée et de normalisation. Les investisseurs manquent de ressources pour maintenir un contact suffisant avec leurs portefeuilles et n’interagissent qu’avec une partie restreinte de leur univers d’investissement. Les émetteurs rencontrent, eux, des difficultés à évaluer l’opinion du marché sur leurs politiques et leurs performances extra-financières à cause de plusieurs obstacles : le grand nombre d’actionnaires à consulter, le manque de temps et de ressources pour échanger avec les actionnaires majeurs, des avis souvent divergents des quelques actionnaires accessibles, et enfin l’absence d’échanges approfondis avec les investisseurs absents de la table de capitalisation.
Les émetteurs manquent d’outils pour comprendre comment leurs pratiques RSE (responsabilité sociétale des entreprises) sont perçues par les investisseurs et quelles sont leurs attentes. Ils ne peuvent pas correctement piloter leurs opérations et leur stratégie de financement en prenant correctement en compte les enjeux ESG.
Il faut donc chercher à aligner valeurs et valorisations afin d’intégrer le capital social et humain de façon explicite dans les marchés financiers en créant un flux systématique de données des investisseurs vers les émetteurs s’appuyant sur leurs scores ESG propriétaires internes. De la même manière que les émetteurs consultent le prix de leur action et à combien traitent leurs obligations, ils doivent pouvoir évaluer comment le marché intègre leurs performances RSE. Il est intéressant aussi de fournir un benchmark des scores ESG propriétaires et non publics sur le marché pour que chacun connaisse les points sur lesquels il est perçu et se compare à ses pairs, et enfin, de bénéficier d'éléments d’amélioration et d’optimisation de stratégies RSE grâce à des analyses concurrentielles pour identifier les meilleures pratiques sectorielles.
Avec une vue de marché quantitative et systématique, les émetteurs peuvent comprendre comment ils sont perçus par les investisseurs, se comparer à leurs pairs et identifier leurs axes d’amélioration. L’investissement pourra ainsi jouer un rôle explicite et moteur dans la transition de l’économie vers des pratiques plus durables.
Plus d'articles du même thème
-
Dans le bureau de... Pauline Bernard
La dirigeante des activités titres en France de BNP Paribas nous fait visiter le site mythique des Grands Moulins de Pantin. -
Nicolas Boulet : l’assurance de nouveaux défis
Le directeur des investissements d’Allianz France a su saisir des opportunités de mobilité interne pour satisfaire sa curiosité au sein du même groupe. -
Dora : comment assurer la conformité et la sécurité des communications
Une tribune d'Arnaud Clément, account director finance (France) chez Retarus. -
Le Vietnam, une destination prometteuse
Le pays est porté par une croissance exceptionnelle, mais reste sous-développé en matière de gestion d’actifs et de banque privée. -
Les ETF Buffer débarquent en Europe
Dans la famille des structurés, l'enveloppe ETF apporte avantages et inconvénients de ce produit conçu pour protéger contre la baisse des marchés. -
Les investisseurs entrent dans la guerre des minéraux « stratégiques »
La transition énergétique dépendra de l’accès aux minéraux. Les investisseurs ont détecté des opportunités sur un marché mondial complexe.
Sujets d'actualité
ETF à la Une
Contenu de nos partenaires
-
Pénuries
En combat air-air, l'aviation de chasse française tiendrait trois jours
Un rapport, rédigé par des aviateurs, pointe les « vulnérabilités significatives » de la France en matière de « supériorité aérienne », décrivant les impasses technologiques, le manque de munitions et les incertitudes sur les programmes d'avenir -
Escalade
L'armée algérienne passe à la dissuasion militaire contre la junte malienne
La relation entre Alger et Bamako ne cesse de se détériorer ces derniers mois alors qu'ex-rebelles et armée malienne s'affrontent à la frontière algérienne -
En panne
Pourquoi les Français n’ont plus envie d’investir dans l’immobilier
L’immobilier était le placement roi, celui que l’on faisait pour préparer sa retraite, celui qui permettait aux classes moyennes de se constituer un patrimoine. Il est tombé de son piédestal. La faute à la conjoncture, à la hausse des taux, à la chute des transactions et à la baisse des prix, mais aussi par choix politique : le placement immobilier a été cloué au pilori par Emmanuel Macron via une fiscalité pesante et une avalanche de normes et d’interdictions