
« Nous pourrons nous focaliser à 100 % sur notre gestion alpha »

Daniel Roy, président du directoire de La Banque Postale Asset Management
Quelle est la genèse du projet de rapprochement des gestions taux de LBP AM et Ostrum ?
Chez LBP AM, la réflexion remonte à plus de deux ans. Elle se fonde sur l’hypothèse que les taux d’intérêt vont rester très bas, très longtemps. Le virage à 180 degrés effectué par les banquiers centraux depuis fin 2018 a confirmé cette intuition : le château de cartes de la finance mondiale, avec de tels niveaux de dette, est trop fragile pour supporter une remontée des taux d’intérêt. Dans un monde de l’asset management qui se polarise entre une gestion assurantielle non margée et une gestion alpha où il est encore possible de gagner sa vie, tous les acteurs vont devoir ajuster leur modèle économique. Attendre la remontée des taux ne suffit plus. Nous sommes des précurseurs avec Ostrum, mais l’accord que nous avons noué en 2015 avec Malakoff Médéric pour prendre le contrôle de Fédéris répondait déjà à cette logique.
Jusqu’à quel point le modèle économique de la gestion assurantielle est-il aujourd’hui dégradé ?
Dans ce métier de liability-driven investment (LDI), la capacité du fabricant à dégager de la marge est nulle. Ce constat vaut aussi pour les autres acteurs de la chaîne, l’assureur et le réseau bancaire distributeur. Sans capacité à peser sur les prix, l’effet de masse constitue la seule réponse pour amortir des coûts qui n’ont cessé d’augmenter ces dernières années. La réglementation, notamment Solvabilité 2, nous a imposé des contraintes croissantes, par exemple sur la « transparisation » des fonds, avec un niveau de détail qui aurait été inimaginable il y a dix ans. Il faut des outils informatiques de plus en plus puissants. C’est ce qui explique d’ailleurs le succès de BlackRock avec sa solution Aladdin.
Les projets de fusion dans le secteur se heurtent bien souvent à la question du contrôle capitalistique. Comment l’avez-vous résolue ?
Tout milite aujourd’hui pour un accord intelligent entre des acteurs qui servent le même client, CNP Assurances. Natixis souhaite continuer à consolider comptablement cette activité, et LBP AM est tout à fait prête à devenir un actionnaire significatif, mais minoritaire, de cette future plate-forme assurantielle, dans la mesure où elle conserve la pleine maîtrise de sa gestion alpha. Chez de nombreux asset managers, ces deux métiers sont noyés dans un pot commun, ce qui conduit à une mauvaise allocation de ressources. A l’avenir, nous pourrons nous focaliser à 100 % sur notre gestion alpha (Tocqueville, dette privée, fonds flexibles, etc.) avec la dimension ISR qui nous caractérise, et nous placer dans une logique d’actionnaire pour la gestion assurantielle.
Avez-vous vocation avec Ostrum à accueillir d’autres partenaires ?
C’est tout l’intérêt de ce projet : le réduire à une recherche de synergies entre deux acteurs n’aurait aucun sens. Il répond à un enjeu majeur pour l’Europe. La gestion assurantielle représente 6.000 milliards d’euros d’actifs dans la région, c’est le cœur de l’épargne des Européens. Ce marché est attaqué aujourd’hui par des gérants américains, et demain chinois, qui profitent de leur base domestique pour vendre leurs produits à coût marginal. Malheureusement, les grands gérants européens, y compris en France, ne sont pas les derniers à casser les prix. Nous sommes collectivement en train d’autodétruire la capacité de l’Europe à protéger son épargne. Il nous faut des asset managers puissants, et cette plate-forme doit pouvoir attirer d’autres acteurs français et européens.
N’aurait-il pas été plus simple pour La Banque Postale de vendre la totalité de sa gestion d’actifs ?
C’était une option. La Banque Postale a d’autres défis à relever, en premier lieu la transformation digitale de la banque de particuliers. Mais elle porte aussi un message sociétal, de banque citoyenne, qui passe par l’ISR. Ce message est plus difficile à diffuser dans l’opinion si l’on a vendu toutes ses activités d’investissement à un tiers.
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