
L’ESG, star du match des recruteurs en gestion

Elles fleurissent toute l’année, quelle que soit la météo boursière. Les offres d’emploi dans l’ESG (environnement, social, gouvernance) sont devenues en quelques années l’incontournable du quotidien des ressources humaines en gestion d’actifs. Que ce soit pour l’analyse, la gestion, ou encore les risques, les sociétés de gestion ne cessent de faire grandir leurs équipes de finance durable.
Les besoins sont en effet pressants : investisseurs institutionnels toujours plus responsables, clients particuliers plus exigeants et réglementation foisonnante. Il devient difficile, voire périlleux, pour les sociétés de gestion généralistes de ne pas, a minima, proposer de l’ESG. Et pour s’équiper, les grands acteurs de la gestion traditionnelle et les nouveaux entrants chassent avant tout chez leurs confrères pionniers.
Ces nouveaux entrants ont généralement besoin de profils prêts à l’emploi, capables d’avoir une vision claire de l’interpénétration entre critères ESG et stratégies de gestion. Et le caractère stratégique de tels recrutements pousse fréquemment les dirigeants à se tourner vers les chasseurs de têtes, qui commencent à accumuler une certaine expérience du sujet. « Nous sommes régulièrement amenés, depuis quatre ans, à recruter des spécialistes de l’ESG pour créer des départements, composer ou densifier des équipes », relate Geoffrey Baudeux, responsable de la practice services financiers au sein du cabinet de recrutement Lincoln, qui a bouclé son tout premier recrutement sur le segment en 2015.
Spécialisation accrue
Ces profils avec une double compétence financière et ESG ne séduisent toutefois pas forcément les précurseurs des critères extra-financiers, qui préfèrent une segmentation claire des rôles.
« La flamme qui anime un analyste ESG n’est pas la même que celle d’un analyste financier traditionnel », souligne Amaury Eloy, directeur des ressources humaines (DRH) de Sycomore AM (lire ‘La Parole à...’). Avec déjà vingt ans dans l’ESG, la société estime que le modèle du gérant hybride ne peut pas fonctionner, en raison d’objectifs contradictoires. « Une société de gestion ESG doit être capable d’allier des expertises contraires, et maintenir une crédibilité méthodologique, pour faire la différence avec des sociétés qui sont plus dans le greenwashing », affirme le DRH.
Menacées depuis quelque temps par la normalisation de l’ESG, ces sociétés spécialisées cherchent surtout à maintenir leur avantage stratégique en recrutant des experts toujours plus pointus. Chez Mirova, cela passe notamment par le développement d’une gamme dans le non-coté et l’investissement à impact. « Nous faisons appel à des cabinets de chasse surtout pour les métiers de levée de fonds et de l’investissement en private equity, dans le capital naturel et les infrastructures de transition énergétique », explique Aude Rouyer, directrice des ressources humaines, de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) et de la culture d’entreprise de Mirova.
Les prix sur ces marchés de matières grises sont particulièrement élevés, indexés sur les coutumes du non-coté. Chez Sycomore, le recrutement s’est élargi aux profils de niche, avec une spécialiste des droits de l’homme et un ancien responsable de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie. Ces profils moins financiers restent cependant encore exceptionnels. Le regard d’un sociologue ou d’un météorologue pourrait pourtant enrichir les méthodologies des gérants ESG.
Les juniors se bousculent
Nouveau credo marketing et stratégique pour les sociétés de gestion, la finance responsable l’est aussi pour les candidats, qu’ils soient jeunes diplômés ou en reconversion. Si la tension sur le marché est palpable, gare aux illusions pour les nouveaux impétrants. Seuls les profils les plus expérimentés sont véritablement courtisés. Les juniors sont, eux, fort nombreux à vouloir changer le monde par les marchés financiers, remarquent les recruteurs. Masters spécialisés « finance durable », certifications vertes de la Société française des analystes financiers (Sfaf) et du CFA Institute, ou même une mineure sur la thématique… Les formations sur le sujet ont en effet poussé rapidement, tant dans les grandes écoles de commerce et d’ingénierie que dans les cursus universitaires.
Les rémunérations ne sont pas pour autant restées au ras des pâquerettes : aux alentours de 45.000 euros brut pour un novice, et 70.000 euros avec cinq ans d’expérience, selon les chasseurs de têtes.
« Il y a encore quelques années, les analystes ESG juniors étaient moins bien payés que les analystes financiers. Leur rémunération a été réalignée sur ces derniers mais c’est plutôt le fait d’une augmentation générale des salaires que de l’engouement pour l’ESG », tempère Sabrina Richard, responsable au sein du cabinet de recrutement Fed Finance.
S’ils peuvent être gourmands, les candidats aux postes ESG discutent finalement moins du salaire que de l’impact qu’ils pourraient avoir. La véracité de l’engagement ISR (investissement socialement responsable) de la maison et la place du spécialiste dans le processus de gestion sont systématiquement abordées en détail par ceux-ci, confirment les deux DRH. Le sens est finalement au centre de leur démarche.
« Ce sont des collaborateurs qui veulent avoir un impact dans leur entreprise, et s’impliquer au-delà de leur périmètre professionnel. Nous leur proposons donc de participer à des projets transverses, notamment au sein de notre fondation Mirova Forward », ajoute Aude Rouyer. D’autres facteurs, comme être labellisé Bcorp ou être une société à mission, rassurent également ces candidats. « Si nous n’étions pas labellisés Bcorp, ce serait plus difficile d’attirer des vrais spécialistes de l’ESG », admet Amaury Eloy. En revanche, l’idée de travailler pour un fonds labellisé ISR ne fait, elle, jamais signer un postulant.
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