
Le temps des géants

Le statu quo n’est plus une option. Jusqu’à l’an dernier, les grands mariages dans la gestion d’actifs en Europe se comptaient sur les doigts d’une main. Les plus gourmands privilégiaient des acquisitions ciblées pour renforcer l’une ou l’autre de leurs expertises. L’exception est en passe de devenir la règle. Il n’est qu’à voir l’intérêt suscité par les réflexions en cours d’Axa sur l’avenir de son asset manager. Si ces approches devaient se concrétiser par une fusion d’envergure, tranchant ainsi avec la voie communément suivie par les pairs de l’assureur (lire le dossier), elles déclencheraient à n’en pas douter dans le secteur des répliques d’égale importance.
Jusqu’où l’exemple précurseur d’Amundi, solide numéro un sur le Vieux Continent, peut-il inspirer ses concurrents ? Poussée par les circonstances au plus fort de la crise financière, la création du groupe en janvier 2010 n’avait alors pas servi de déclencheur à la consolidation. Mais tout concourt à faire remonter le point mort du métier et à rendre aujourd’hui nécessaire ce qui semblait hier contingent. La persistance des taux bas force les asset managers à maîtriser toute la chaîne de valeur et à sophistiquer leur approche du conseil et des produits ; la réponse aux évolutions réglementaires capte une part croissante des ressources ; l’essor de la gestion passive fait émerger de douloureuses critiques sur la valeur réellement apportée au client, que les superviseurs ne se privent pas d’accentuer ; quant aux innovations technologiques, leurs promesses iront de pair avec de lourds investissements.
A côté des boutiques spécialisées, une course à la taille s’engage donc pour les grands gestionnaires européens généralistes, avec en ligne de mire la barre symbolique des 1.000 milliards d’euros d’encours, un minimum qui les place encore loin des géants américains. Le modèle choisi par le Crédit Agricole, consistant à produire à bas coûts pour irriguer de puissants réseaux de distribution, ne constitue qu’une réponse parmi d’autres au défi posé, mais sa réussite boursière donne forcément des idées à ses concurrents. Ce succès du moment rappelle aussi les gérants d’actifs à leurs responsabilités. Sans une mise en œuvre infaillible, les acquisitions les plus ambitieuses sont vouées à l’échec. Maillon toujours plus puissant de la finance parallèle et à ce titre très exposée au risque de liquidité, l’industrie de l’asset management a échappé pour l’heure au label systémique et aux surcharges en capital qui découragent les grandes manœuvres dans l’assurance et surtout dans la banque. Cette liberté d’action ne saurait lui faire oublier que la taille reste un moyen et non une fin en soi.
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