
Le secteur des fonds de créances commerciales se développe à petits pas

La valeur n’attend pas le nombre des années : apparu il y a environ trois ans, le marché des fonds de supply chain s’est déjà illustré par ses pratiques controversées. Le principe est simple : lorsqu’un fournisseur vend un produit à une autre entreprise, il envoie la facture à une banque, et non à son client. L’institution le paie immédiatement en échange d’un rabais plus ou moins important, et qui dépend de la situation de l’acheteur. Celui-ci doit en effet verser la totalité du coût du produit à la banque, au terme de la période prévue dans la facture. L’intermédiaire financier réunit ainsi des milliers de factures, qu’il transforme en titres investissables. Un gérant se charge ensuite de la gestion du fonds qui les rassemble.
L’attrait réside bien sûr dans leur maturité, de 30 à 180 jours, les investisseurs les considérant parfois comme des alternatives aux fonds monétaires pour placer de l’argent à court terme. Ils sont cependant souvent enregistrés comme des fonds alternatifs, et ne permettent pas de retirer sa mise n’importe quand. « Ces actifs sont intéressants en raison de leur maturité ultra-courte à un moment du cycle économique où les perspectives à moyen terme sont très incertaines, confirme Martin Opfermann, gestionnaire de portefeuille de Trade Finance chez AllianzGI. Le risque auquel les investisseurs sont exposés, par le biais de ces fonds, est essentiellement que les entreprises qui se trouvent derrière les créances sous-jacentes se retrouvent à court de ‘cash’ à court terme, et non qu’une transformation de l’environnement économique à plus long terme évolue défavorablement. » Les rendements élevés, de l’ordre de 50 à 80 points de base (pb) au-delà du taux sans risque pour les fonds investis en créances d’entreprises investment grade, mais qui peuvent atteindre 200 pb pour les catégories spéculatives, sont aussi attractifs. D’autant que ces fonds offrent une vraie diversification, géographique, sectorielle… à travers les dizaines de milliers de lignes de leurs portefeuilles.
Reste que le marché ne pèse guère plus d’une dizaine de milliards d’euros, une goutte d’eau : le secteur du trade finance représente 55.000 milliards. « Il est difficile d’investir dans cette classe d’actifs sur le plan opérationnel », juge Martin Opfermann. « L’infrastructure et les processus informatiques nécessaires pour administrer des milliers de factures créent des barrières naturelles à l’entrée. Qui contribuent également à protéger la prime de risque alternative de cette classe d’actifs. » Les banques disposant de l’expertise nécessaire à la conversion des créances commerciales en titres financiers ne sont pas non plus légion ; un constat que partage Moody’s, qui en évoque deux : Greensill et Credit Suisse. Enfin, « il n’est pas toujours facile d’expliquer le fonctionnement de ces fonds aux investisseurs », reconnaît un gérant.
Conflits d’intérêts
Incompréhension des investisseurs ou prudence de leur part ? Le secteur a été pointé du doigt à plusieurs reprises ces dernières années. Les entreprises sont accusées d’en utiliser les mécanismes pour embellir leurs bilans. L’acheteur doit, de fait, de l’argent à une banque, ce qui n’est pourtant pas affiché comme de la dette, mais comme une créance commerciale dans ses comptes. La situation des entreprises britanniques Interserve ou NMC Health, en graves difficultés financières et qui abusaient de ce tour de passe-passe, est emblématique de ces détournements. L’opacité du secteur et le nombre restreint d’acteurs encouragent aussi les conflits d’intérêts, comme les déboires du fonds GAM Greensill Supply Chain Fund, l’an dernier, l’ont illustré.
Les tensions sur la trésorerie qui commencent à apparaître pourraient avoir des répercussions. Le coût des assurances qui protègent contre un défaut de paiement est d’ailleurs en hausse. « Il est bien sûr possible de souscrire une assurance-crédit. Son coût, qui a augmenté, réduit le rendement des fonds assurés par rapport aux fonds non assurés », remarque toutefois Martin Opfermann. Et même si les paiements ont lieu, ils pourraient l’être en retard, sans compensation pour les investisseurs.

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