
François Deltour (Arkéa IS) : « Il y a un oligopole très préoccupant des fournisseurs d’indices »

L’Agefi : Comment se porte Arkéa IS depuis votre nomination en tant que directeur général en juin 2020 ?
François Deltour : Je dois dire que malgré le contexte difficile lié à la pandémie, les marchés financiers ont été particulièrement porteurs grâce aux décisions de politique monétaire et budgétaire. A tel point que tout le monde en a oublié le quatrième trimestre 2018. A cette époque, les marchés avaient décroché brutalement en raison des craintes d’un ralentissement économique en Chine et d’une remontée des taux d’intérêt. Nous avions alors imaginé divers scénarios de projection pour le secteur de la gestion d’actifs. Un de ces scénarios, basé sur une poursuite de la baisse du quatrième trimestre 2018 pendant encore 12 mois, nous a montré que de nombreuses sociétés de gestion françaises n’auraient pas survécu. Or, en 3 ans, les bases de coût des sociétés de gestion ont encore augmenté, donc une prochaine baisse brutale et prolongée des marchés pourrait être problématique pour bon nombre d’acteurs. Heureusement que nous avons un coefficient d’exploitation très bas !
Mais en cette année 2021, tout le monde va faire de bons résultats. Pour nous, il devrait même s’agir d’une année historique à la fois en termes de collecte et de résultat.
Pourtant, les défis sur la baisse des marges, l’ESG, la digitalisation ou encore la concurrence avec la gestion passive restent d’actualité…
Oui bien sûr, les défis sont très nombreux. Les sociétés de gestion doivent investir énormément si elles veulent notamment pouvoir suivre toute la réglementation qui oblige à exploiter de plus en plus de données, notamment autour de l’ESG. A titre d’exemple, nous avons monté un fonds de 50 millions d’euros d’encours récemment. Pour ce seul fonds, l’utilisation d’un indice de référence ESG nous coûte 60.000 euros par an. Il y a actuellement un oligopole très préoccupant des fournisseurs d’indices et nous appelons à une régulation plus forte de ces fournisseurs ainsi qu’à la mise en place du projet européen de base de données financières.
Le problème est-il le même sur la data ESG ?
En 2021, l’enjeu ESG a surtout été lié à la mise en application du règlement dit de «Sustainable Finance Disclosure Regulation» (SFDR). Je crois que tout le monde a été plutôt content d’entrer dans l’ère SFDR censée apporter plus de standardisation. Mais pour le moment, en l’absence des directives techniques (les RTS), les risques de durabilité ne sont pas appréhendés de la même façon chez les acteurs du secteur. Un article 8 chez Arkea IS ne veut pas dire la même chose qu’un article 8 chez une société de gestion concurrente. Je note aussi l’absence d’obligation d’audit indépendant pour ces classifications. Enfin, nous sommes confrontés en Europe à une diversité des labels ESG qui brouille les cartes pour les investisseurs. Par exemple, pour un fonds qui a obtenu le label LuxFlag au Luxembourg et que nous voulons commercialiser en France, il faut mettre des «warnings» partout pour indiquer que cela ne correspond pas à l’ISR (investissement socialement responsable) au sens de la réglementation française. Cela met de la confusion dans l’esprit des investisseurs.
Par ailleurs, en tant que filiale d’un groupe bancaire qui vend des produits structurés dans son réseau, nous souhaiterions, outre une vraie convergence européenne des labels, que la France crée aussi un label ESG pour ces produits. Même s’il y a des discussions en ce sens au sein de l’Amafi (Association française des marchés financiers) qui travaille sur une définition de son propre label, nous attendons beaucoup de la nouvelle gouvernance du label ISR.
La Banque des règlements internationaux (BRI) a sorti un rapport sur la finance non bancaire, exigeant davantage de réglementation prudentielle. Qu’en avez-vous pensé ?
Ce rapport de la BRI est potentiellement une bombe pour le secteur. Si les sociétés de gestion nécessitent davantage de fonds propres, cela risque d’avoir de réels impacts, en particulier pour les plus petits acteurs. Mais il est vrai que la finance non bancaire a pris de plus en plus de place ces dernières années en matière de financement, alors même que les contraintes en fonds propres sont moins importantes que pour une activité bancaire au sens propre du terme. Le rapport préconise que les gestions soient contraintes de mettre plus de fonds propres de côté ou qu’il y ait des périodes de préavis de rachat afin de renforcer la sécurité face à certains stress de marché. Par exemple, la jonction serait plus facile entre le moment où il faut honorer des rachats de clients et celui où on va vendre effectivement les actifs sous-jacents. Il ne faut pas oublier que les clients sont souvent des fonds de pension ou des assureurs. Il peut y avoir un risque systémique si ces derniers ne peuvent pas payer les pensions ou les assurés dans les temps.
Arkea IS est au capital de plusieurs sociétés de gestion. Allez-vous en céder ou en racheter d’autres ?
Effectivement, Arkéa IS est construit selon un modèle multi boutiques. Nos affiliés constituent deux cercles. Le premier regroupe des affiliés dans lesquels nous sommes actionnaires à 100% ou fortement majoritaires (Federal Finance, Schelcher Prince Gestion, Arkéa Banque Privée, Arkea Real Estate) et le second cercle englobe les autres sociétés (Swen, Mandarine, Vivienne Investissement, Yomoni). On peut faire passer une société de gestion d’un cercle à l’autre, quel qu’en soit le sens. Nous n’avons pas de dogme par rapport à cela et ne souhaitons pas en avoir. Tout est fonction d’opportunités ou de besoins. Quant aux nouvelles expertises, comme vous le savez, nous venons de créer une société de gestion d’actifs immobiliers, Arkea REIM, avec Arkéa RE (ex Catella AM), puisque nous n’avions plus de gestion d’actifs immobiliers depuis notre sortie de Primonial. Schelcher Prince Gestion a aussi lancé une activité de dette infrastructure en cette fin d’année. Six personnes ont été recrutées dans cette optique et c’est une activité qui doit décoller en 2022.
Pour résumer, nous sommes dans une logique où nous voulons élargir notre panel d’offres pour nos clients. Dans la banque privée par exemple, nous avons lancé un fonds de private equity adapté à cette clientèle et travaillons sur d’autres produits similaires.
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