
BlackRock prend enfin la mesure du risque climatique

Deux ans après sa dénonciation des profits court-termistes des entreprises, BlackRock veut à nouveau frapper les esprits dans sa lettre annuelle aux dirigeants d’entreprises. Dans ce texte, doublé pour la première fois d’une missive adressée à ses clients, le premier gestionnaire d’actifs mondial a appelé hier à une «transformation fondamentale du secteur financier» en raison du changement climatique qui «constitue désormais un facteur déterminant dans les perspectives à long terme des entreprises». Ainsi, «l’investissement durable devient la norme de BlackRock», titre la deuxième lettre qui détaille les initiatives du groupe américain dirigé par Larry Fink pour rénover sa gamme de fonds et sa politique d’investissement, et pour muscler son rôle d’actionnaire.
Indices sur mesure pour les ETF
La révolution culturelle de BlackRock n’est pas une profession de foi verte. Contrairement aux pionniers de l’investissement socialement responsable (ISR), la société de gestion reconnaît qu’elle répond avant tout aux demandes croissantes de ses clients, «qui sont de plus en plus nombreux à se concentrer sur l’impact des enjeux de développement durable sur leurs portefeuilles» et singulièrement sur le changement climatique. «Le changement climatique constitue désormais un facteur déterminant dans les perspectives de long terme des entreprises» et «l’investissement durable représente […] le meilleur gage de robustesse pour les portefeuilles des clients», écrit Larry Fink. Le PDG de BlackRock se dit «convaincu que nous sommes à la veille d’une transformation fondamentale du secteur financier», aux impacts plus importants que les crises économiques qu’il a connues depuis 40 ans.
La possible «réallocation massive du capital» vers les actifs verts est un défi de taille pour le premier investisseur mondial en hydrocarbures, également spécialiste de la gestion passive. Les deux tiers de ses 7.000 milliards de dollars (6.290 milliards d’euros) d’encours sont gérés en suivant simplement les indices boursiers et de marchés. Cette gestion benchmarkée se heurte aux stratégies ISR, basées sur l’exclusion de certaines valeurs, des biais thématiques ou la sélection des entreprises et entités publiques «best in class» (les mieux notées).
Pas de sortie du pétrole et du gaz
Pour contourner les écueils, BlackRock proposera dès cette année des versions durables de ses principaux portefeuilles, indexées sur «des indices optimisés en fonction des facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG), en lieu et place des expositions traditionnelles à des indices pondérés selon la capitalisation boursière». Cette conversion concernera ses ETF (fonds indiciels cotés) grand public, commercialisés sous la marque iShares. Le groupe veut doubler sa gamme d’ETF ESG, à 150 produits.
Pour ses 1.800 milliards de dollars gérés de manière active, BlackRock intégrera les critères ESG dans tous ses portefeuilles et stratégies de conseil en investissement d’ici à la fin 2020. Il est en train de liquider ses positions dans les producteurs de charbon thermique (qui tirent plus de 25% de leurs revenus de cette énergie) mais restera exposé au pétrole et au gaz compte tenu de la lenteur de la transition énergétique. Il ne chiffre pas ses autres ambitions, notamment dans les énergies renouvelables ou l’investissement d’impact.
Votes engagés
Enfin, BlackRock s’engage à davantage communiquer sur sa politique de vote au sein des entreprises dont il est actionnaire, en publiant un rapport trimestriel et sa position sur les résolutions les plus décisives en assemblée générale. Après «plusieurs années» d’échanges avec les entreprises, «nous sommes enclins à voter contre la direction des entreprises n’ayant pas fait suffisamment de progrès» dans la définition et la communication de leurs engagements pour réduire le réchauffement climatique, assure le comité exécutif de BlackRock. C’est un virage à 180 degrés, pour un groupe régulièrement accusé de laxisme. Le gestionnaire a voté l’an dernier en faveur de cinq résolutions climat sur 41, souligne l’ONG Majority Action dans un récent rapport. Il a aussi voté contre trois résolutions (chez ExxonMobil, Ford et General Motors) pourtant soutenues par Climate Action 100+.
Il y a quelques jours, BlackRock a opportunément rejoint cette initiative internationale qui regroupe de grands investisseurs institutionnels, gestionnaires d’actifs et groupes industriels. Les français Amundi, BNP Paribas AM ou Axa IM en sont membres, mais pas tous les mastodontes américains de la gestion, tels Vanguard ou JPMorgan AM. La conversion de BlackRock pourrait les inciter à bouger rapidement. Et servir d’aiguillon aux investisseurs réticents, compte tenu du poids systémique de BlackRock dans la valorisation des marchés financiers.
Plus d'articles du même thème
-
Le monde devient inassurable et le capitalisme va s'effondrer, alerte un dirigeant d'Allianz
Dans un post LinkedIn, Günther Thallinger, membre du comité de direction d'Allianz, s'alarme du réchauffement climatique rendant inopérant l'assurance, base du système financier. -
Les cours de Bourse des gestionnaires d'actifs ne sont pas épargnés par la bataille des tarifs douaniers
L'Agefi a calculé et compilé les variations de cours enregistrées par les gestionnaires d'actifs cotés en Bourse sur les séances du 3 et 4 avril 2025 après les annonces américaines sur les droits de douane. -
Le Parlement européen vote un report de CSRD
Le Parlement européen a voté le report des dates d’application des nouvelles législations de l’UE sur le devoir de vigilance et la publication d’informations en matière de durabilité pour certaines entreprises. -
Des investisseurs français s’unissent pour mieux mesurer les émissions évitées
Le calcul des émissions évitées grâce aux actions de décarbonation s’impose comme une nouvelle métrique clé pour l’industrie de la gestion d’actifs. Mirova, Robeco et Edmond de Rothschild AM ont piloté le lancement d’une plateforme dédiée, soutenue par sept autres grands investisseurs. -
Seuls huit fonds adoptent les labels de durabilité au Royaume-Uni
Au 2 avril 2025, date limite pour l’adoption des labels de durabilité selon les Sustainability Disclosure Requirements (SDR) au Royaume-Uni, seulement 80 fonds ouverts et fermés ont publiquement annoncé avoir adopté un label, représentant 34,5 milliards de livres sterling d’actifs sous gestion, selon des données de Morningstar. En revanche, 325 autres fonds aux caractéristiques durables, totalisant 280 milliards de livres sterling d’actifs, n’ont pas adopté de label. -
L’agacement envers Tesla et son dirigeant monte chez les investisseurs institutionnels
L’assureur suédois Folksam annonce céder toutes ses actions du constructeur automobile tandis que les fonds de pension publics de New York lancent une action en justice à l’encontre de l'émetteur.
Sujets d'actualité
ETF à la Une
Contenu de nos partenaires
-
Pénuries
En combat air-air, l'aviation de chasse française tiendrait trois jours
Un rapport, rédigé par des aviateurs, pointe les « vulnérabilités significatives » de la France en matière de « supériorité aérienne », décrivant les impasses technologiques, le manque de munitions et les incertitudes sur les programmes d'avenir -
Escalade
L'armée algérienne passe à la dissuasion militaire contre la junte malienne
La relation entre Alger et Bamako ne cesse de se détériorer ces derniers mois alors qu'ex-rebelles et armée malienne s'affrontent à la frontière algérienne -
En panne
Pourquoi les Français n’ont plus envie d’investir dans l’immobilier
L’immobilier était le placement roi, celui que l’on faisait pour préparer sa retraite, celui qui permettait aux classes moyennes de se constituer un patrimoine. Il est tombé de son piédestal. La faute à la conjoncture, à la hausse des taux, à la chute des transactions et à la baisse des prix, mais aussi par choix politique : le placement immobilier a été cloué au pilori par Emmanuel Macron via une fiscalité pesante et une avalanche de normes et d’interdictions