Les caisses de retraite complémentaires ont été très déçues par la nouvelle version, reçue le 2 mars, du projet de décret ciblant l’organisation de leur gestion financière et de leur gouvernance. Elles ont en effet constaté que très peu de propositions d’amélioration qu’elles avaient réclamées ont été apportées à la première version. Pour rappel, cette première version leur avait été envoyée en juillet 2016, sans qu’elles aient été consultées auparavant, ce qui avait à l’époque provoqué la colère de certaines, décalant sa mise en application initialement prévue au 1er janvier 2017. Toutes les caisses concernées (CNAVPL, CARDCSF, CARMF, CARPIMKO, CARPV, CAVAMAC, CAVEC, CAVP, CIPAV, CRN), IRCEC, RSI, CNBF, CRPN, CRPCEN, CCMSA) se sont réunies mardi 7 mars après-midi pour préparer une réponse commune qui sera envoyée dans les prochains jours par la caisse nationale. Plus précisément, c’est le conseil d’administration de la CNAVPL qui fera officiellement part de leur désapprobation. Cette réponse doit intervenir dans les 21 jours (soit d’ici le 23 mars), la véritable échéance qui ne fait mystère pour personne est que le projet soit adopté avant l’élection présidentielle qui pourrait le remettre en cause ou décaler sa mise en application aujourd’hui prévue dès le 1er juillet 2017. De plus, le message est clair : la nouvelle version doit être considérée comme la version définitive. Toute nouvelle modification porterait sur d’éventuelles coquilles… Que reprochent les caisses concernées au projet de décret ? Tout d’abord, le texte lui-même reste particulièrement complexe. On appréciera notamment l’alinéa 5 de l’ Art. R. 623-10-33, qui illustre à merveille cette remarque…. : « 5° 12,5 % pour l’ensemble des titres de capital et de créance mentionnés aux 1o à 6° de l’article R. 623-10-9, vérifiant les conditions mentionnées au 3° du I. de l’article R. 623-10-10 mais pas celles mentionnées aux 1° et 2° du I. du même article ». Comme on peut le voir souvent, quand un texte juridique est aussi complexe, cela laisse libre cours à l’interprétation et finalement à la liberté d’action. Mais ce constat est loin de réjouir les acteurs concernés. Car au-delà de la complexité du texte, les caisses devraient souligner dans leur réponse les nombreuses contraintes imposées en termes de gouvernance et de gestion financière qui ne vont pas, selon elles, dans le sens d’un fonctionnement optimal de leurs structures. « Nous avons l’impression d’être ainsi assimilées à des compagnies d’assurance. Or, nous devons tenir compte d’un passif qui est très différent… », nous confie le dirigeant d’une des caisses concernées. Le principe du « fonds mutualisé », un nouveau véhicule de placement qui pourra être commun à plusieurs institutions, est aussi maintenu, ce qui appelle à la fin de l’utilisation du fonds dédié par les directions financières des caisses. « L’idée repose sur le soupçon d’éventuelles dérives qui seraient soi-disant facilitées par la nature même du fonds dédié, impliquant une relation privilégiée et donc un peu « cachée » avec la société de gestion », devine le dirigeant d’une des caisses concernées. De même, les caisses devront présenter à leur comité des placements tous les mouvements effectués sur la partie du portefeuille qui fait l’objet d’une délégation de gestion, sur le trimestre écoulé. Par ailleurs, certaines dispositions apparaissent comme des aberrations. Ainsi, si toutes les caisses sont d’accord pour mettre en place des mesures pour limiter les conflits d’intérêt, ou en appliquent déjà, elles soulignent la difficulté à établir la déclaration d’intérêts demandée : « …. Cette déclaration est remise au conseil d’administration et est actualisée à l’initiative de l’intéressé dès que cela est nécessaire. Elle mentionne les liens d’intérêts de toute nature, directs ou par personne interposée, que le déclarant a, ou qu’il a eus pendant les cinq années précédant sa prise de fonctions, avec des entreprises, des établissements ou des organismes qui apportent leur concours au conseil d’administration ou à ses commissions, notamment les gestionnaires ou mandataires. » Ainsi, avant d’investir par exemple dans un fonds proposé par une société de gestion, l’institution devra vérifier que ses collaborateurs n’ont pas eu un lien personnel ou professionnel avec cette société de gestion ou la banque dont elle dépend… Autre mesure sujette à interrogation : la nécessité d’organiser les formations aux administrateurs dans ses propres locaux et non dans les locaux de l’organisme de formation. Qu’elles soient majeures ou plus marginales, l’ensemble des contraintes imposées par le projet de décret vise à accroître le contrôle et la prudence au sein des caisses de retraite complémentaires, dans la lignée des rapports de l’IGAS dont certaines ont fait l’objet en 2012. Reste à savoir si la mise en place d’un tel texte peut profiter aux ayants-droit et à la rentabilité à long terme de chaque institution concernée.