« Organisé par la CARMF le 29 septembre 2017, ce colloque a été la première occasion de recueillir les points de vue de spécialistes de la retraite et des principaux acteurs de la future réforme des régimes de base. » Figurant parmi les mesures phares du programme d’Emmanuel Macron lors des élections présidentielles de 2017, la réforme des systèmes de retraite est inscrite à l’agenda social du gouvernement dans le quinquennat qui s’ouvre. Depuis vingt ans, la CARMF anticipe toutes les évolutions sociétales avec efficacité dans son régime complémentaire. Elle attend donc avec intérêt et pragmatisme l’ouverture des travaux préalables à la réforme des régimes de base et se tient prête à y jouer tout son rôle. Dr Maudrux, Président honoraire de la CARMF Un régime de base unique Créer un régime de base unique est très simple à faire et il y a longtemps qu’il aurait dû être fait. Première étape : un régime par points, une évidence. Deuxième étape : faire un référendum. La question posée auprès des Français pourrait être « voulez-vous un régime de base, le même pour tous, que vous soyez fonctionnaire, salarié, élu, respectant le principe à revenu égal, cotisation égale et à cotisation égale, prestation égale »?? Ce serait le seul moyen de faire passer cette réforme sans blocage catégoriel. Troisième étape : avec deux tranches de cotisations, il est possible de créer un régime unique, avec les mêmes cotisations qu’aujourd’hui pour chaque profession, répondant aux critères du référendum. Un petit plus, faire ce que la CARMF a fait : la retraite en temps choisi. Si vous voulez cesser votre activité plus tôt, vous pouvez le faire mais vous touchez une retraite moindre. Si vous voulez une retraite plus importante, vous travaillez plus longtemps. Là, les comptes notionnels peuvent le permettre puisqu’ils sont calculés en fonction de l’âge de départ. Un régime de retraite universel? ? Créer un régime qui regrouperait régimes de base et complémentaires n’est pas une bonne idée. Chaque profession est différente dans sa mentalité, dans ses revenus, et surtout dans ses évolutions. Certaines caisses voient leurs effectifs croître, d’autres décroître. De nombreux changements sont observés en matière de revenus et de mode d’exercice. Si toutes les professions étaient réunies dans un seul régime, tout le monde serait mécontent parce chacun aurait l’impression de payer pour les autres. Redonnons à chaque catégorie la gestion de son régime complémentaire, à ses frais, selon ses désirs. M. Bras, Président du Conseil d’orientation des retraites, Inspecteur général des Affaires sociales Dans la promesse du candidat Emmanuel Macron, un euro cotisé donne les mêmes droits quel que soit le moment où il a été versé et quel que soit le statut de celui qui a cotisé. Le programme d’« En marche » utilise des termes comme « compte individuel » et « coefficient de conversion » qui sont des mots typiques du jargon d’un système en compte notionnel. Quelles sont les différences avec nos systèmes actuels de retraite par points ? La retraite par points Les cotisations permettent d’acquérir des points via leur valeur d’achat. La liquidation de la pension se calcule en multipliant le nombre de points par la valeur de service, qui elle, est fixée pour un âge donné. Il peut y avoir des abattements en cas de départ anticipé. Tout l’effort de cotisation fait durant la durée de travail sera traduit en points et sera pris en compte dans le niveau de la pension. La retraite par comptes notionnels Les cotisations alimentent un compte personnel et ne sont pas traduites en points. Elles sont versées en euros sur un compte en euros, on parle alors de capital virtuel, sans que ce soit de la capitalisation. Les droits en cours de carrière sont revalorisés avec un indice prédéterminé, souvent les salaires, et la pension va être liquidée en fonction du capital que vous avez constitué à travers vos cotisations. Elle sera transformée en retraite par un coefficient de conversion, afin qu’il y ait égalité pour une génération entre toutes les cotisations qui auront été payées et toutes les prestations qui seront versées. C’est là que ce système montre son originalité. Bien évidemment, les cotisations sont payées l’année N et les prestations sont reçues bien plus tard. Il faut donc un taux d’actualisation qui permette de vérifier cette égalité. Le principe d’un compte notionnel est de fixer une règle qui va transformer le capital virtuel accumulé en prestations, et cette règle veut que chaque génération touche l’équivalent de ce qu’elle a cotisé, compte tenu du rendement stabilisé de la répartition. Cette technique va permettre d’intégrer automatiquement l’allongement de l’espérance de vie dans le calcul des pensions puisque le coefficient de conversion sera calculé chaque année en tenant compte du fait que chaque génération vit généralement plus longtemps que la précédente. M. Chaffiotte, Directeur de la CARMF Les comptes notionnels en pratique La Suède est le seul pays où les comptes notionnels ont été expérimentés et même mis en œuvre. Quand l’économie va mal et qu’il existe des déséquilibres financiers, il devient difficile d’équilibrer ce système. Dès lors, on est obligé soit de baisser les retraites, mais ce n’est pas très populaire, soit de changer le taux d’actualisation pour pouvoir arriver à un équilibre. À l’évidence, il y a une grande partie d’arbitraire dans ce système. Le système suédois n’est pas vraiment universel puisqu’il n’est qu’un régime de base. Ce sont des fonds de pension par capitalisation qui assurent une retraite complémentaire à pratiquement l’ensemble de la population. Et même dans ce régime dit universel, il existe une part en capitalisation qui n’est pas du tout gérée en comptes notionnels. La majorité de la cotisation est virée en comptes notionnels et une petite partie dans ce régime universel de base que tout le monde paye est accumulée dans des fonds de pension qui vont compléter la retraite. Comment passer à un régime unique par points Pour unifier le régime de base, il faut offrir un rendement unique pour tous les revenus jusqu’au plafond de Sécurité sociale (PSS)?: à revenu égal, droits égaux quelle que soit la profession. Au-delà du PSS, le rendement diminuerait avec la cotisation déplafonnée. Cette cotisation pourrait donner des points mais avec un rendement moindre. On peut fixer la valeur du point au niveau que l’on souhaite. Par exemple, si on suit ce qui se fait actuellement dans le régime général, 200 h de Smic donnent actuellement un trimestre et donneraient un point dans le régime unifié. Avec ce système, il est très facile de transformer les droits anciens en droits nouveaux puisqu’il suffit de prendre les revenus, les droits acquis par rapport au plafond, et de les transformer en points. On pourrait imaginer passer directement à un nouveau système sans période transitoire. Les avantages non contributifs (validation des périodes de chômage, etc.) peuvent faire l’objet de points gratuits dont les coûts seront connus. Grâce à ce système, le régime peut être piloté de manière simple en jouant à la fois sur la valeur d’acquisition du point et sur la valeur de service du point. M. Lefevre, Vice-Président de la CNAVPL Que pensent les professions libérales de l’idée d’un régime universel ? La CNAVPL est attachée à la préservation d’une organisation des retraites obligatoires distinguant deux niveaux : - un régime de base universel ; - des régimes complémentaires gérés par des professionnels. Une réforme qui conduirait à un régime de base unique doit reconnaître la spécificité des libéraux, à savoir une couverture basse fournie par le régime de base laissant une marge de manœuvre plus importante aux régimes complémentaires gérés par les professionnels en fonction des attentes des professions qu’ils couvrent. Entre la solidarité nationale et le choix individuel que représentent les régimes facultatifs, il y a une place centrale qui doit absolument être préservée pour les solidarités professionnelles que sont nos régimes complémentaires et nos régimes prestations PCV ou ASV. Qu’apporterait un régime de base unique ? La mise en place d’un régime de base unique est susceptible d’apporter des réponses aux difficultés qui n’ont jamais été résolues : calcul de la retraite salariée des polypensionnés actuellement très désavantageux, absence de majorations familiales pour les libéraux, calcul de la compensation nationale défavorable aux libéraux... C’est pour cela que nous pourrions y adhérer. M. Emile, Directeur délégué de la CNAV La transition de l’ancien vers le nouveau système À travers les réformes des retraites successives, la convergence des régimes de base est largement engagée et un certain nombre de mécanismes de transition est déjà mis en œuvre. Concrètement depuis 2007, l’ensemble des régimes s’est donné les moyens d’instaurer un droit à l’information à l’intention de l’ensemble des assurés. Ensuite, le répertoire général de carrière unique (RGCU) a été créé. Les Pouvoirs publics ont décidé en 2010, pour les régimes de base, de mettre en place un seul et même entrepôt de données qui va retracer l’ensemble des éléments de carrière de tous les salariés et de toutes les professions. Dans la réforme de 2014, ce répertoire a également défini une trajectoire pour les régimes complémentaires. La CNAV, quant à elle, basculera en avril 2019 l’intégralité de ses données, avec reprise de son historique, dans cet entrepôt de carrière unique. La convergence est engagée Des ambitions extrêmement fortes ont été portées par les Pouvoirs publics sur ce sujet. Elles sont un levier important pour conduire des réformes ultérieures des systèmes de retraite. Dès 2021, 82 % des régimes auront intégré ce RGCU et comme ils recouvrent la plus large partie de la population, cela représente quasiment 99 % du total des carrières. Cette convergence, déjà largement engagée, sera un socle commun pour parler d’évolution des régimes de retraite demain. M. Selleret, Directeur général de l’Argic et de l’Arrco Et l’Agirc-Arrco dans tout ça?? L’Agirc et l’Arrco fonctionnent par points depuis soixante-dix ans, et nous savons d’expérience ce que sait faire ou non un régime en points, pourquoi il peut progresser, et ce qu’il peut apporter. Nous sommes en train de fusionner l’Agirc et l’Arrco et d’une certaine manière, nous mettons en œuvre la promesse du président de la République avant tous les autres. Au 1er janvier 2019, pour tous les salariés du secteur privé, qu’ils soient cadre ou non, qu’ils soient dans la finance, dans le BTP, etc., un euro cotisé ouvrira bien les mêmes droits pour tous. D’expérience, il est donc possible dans un régime complémentaire par répartition, d’honorer cet engagement-là, tout en maintenant des mécanismes de contribution progressive (le taux de cotisation augmente avec les revenus), et en offrant un rendement constant pour chaque euro cotisé. Développer la confiance dans notre système de retraites Quelle que soit la technique de gestion des régimes, les questions fondamentales de pérennité, de soutenabilité, mais aussi de confiance dans le système demeurent. En matière de retraite, nous avons un enjeu majeur de service car les Français, clients de l’Agirc-Arrco pendant soixante-dix ans en moyenne, ne savent pas à qui s’adresser, ils ne comprennent pas le système et surtout souhaitent une information sur leur retraite personnelle plutôt que sur la retraite en général. Penser que la seule modification de la technique va répondre à l’attente de nos concitoyens est une erreur. Pour répondre aux attentes de nos assurés à chaque étape de la vie, nous avons développé toute une gamme de services en ligne, des possibilités de contact par Twitter, Facebook, des applications mobiles, etc., et nous organisons des journées portes ouvertes. La meilleure manière de pérenniser nos régimes de retraite autonomes consiste à travailler ensemble avec les autres régimes, en apportant à nos assurés un service unifié, simple, fluide et fiable.