Dix mois après le début de l’affaire Orpea, Mirova a décidé de sortir complétement du capital du groupe coté de maisons de retraites, ont appris Newsmanager et L’Agefi. Cependant, il ne s’agit pas, selon elle, de problèmes liés à l’ESG. La société de gestion explique cette décision par le projet de restructuration du bilan par Orpea, et notamment de la transformation de 4,3 milliards d’euros de dette en capital. La communication du plan de continuation proposé par Orpea a été «inattendue, violente et peu documentée», estime Hervé Guez, directeur des gestions actions, taux et solidaire de Mirova, dans un entretien accordé à NewsManagers et L’Agefi. Il estime notamment que son rôle d’actionnaire engagé allait être mis à mal par une nouvelle configuration du capital. «Face à l’annonce de ce plan de continuation, les choix étaient réduits. En tant qu’actionnaire, cela signifie accepter une très forte dilution liée à la conversion de la dette en actions, et réinjecter du capital dans l’entreprise. Une hypothèse qui ne nous paraissait pas raisonnable. D’autant que rester veut aussi dire accorder une confiance très forte au management», a justifié Hervé Guez. Les incertitudes entourant les montants en jeu concernant la restructuration et l’ampleur encore inconnue des dépréciations à venir ont également joué dans ce choix de désinvestissement. Mirova détenait encore près de 4% des actions Orpea, contre 4,36% à fin mars. La totalité de ses titres a été cédée dans les deux jours qui ont suivi l’annonce d’Orpea, les 26 et 27 octobre, avec un prix moyen de huit euros. Juste avant la publication en janvier du livre Les fossoyeurs : Révélations sur le système qui maltraite nos aînés, du journaliste Victor Castanet, point de départ de la chute d’Orpea, le titre en Bourse s'élevait à 88 euros. La moins-value globale pour les clients, qui n’ont pas été consultés, n’est pas quantifiée, la position ayant été construite sur une dizaine d’années dans plusieurs fonds. Pour autant, Mirova assure ne pas regretter ses efforts d’engagement pris depuis le début des problèmes d’Orpea. «Face à la crise sur la qualité des soins accordés à ses patients et résidents d’Orpea, notre rôle d’actionnaire responsable était d’accompagner l’entreprise pour modifier en profondeur ce qui devait l’être. Nous avions alors la conviction que les fondamentaux de l’entreprise étaient sains. Puis, à partir du mois de mai, des malversations financières de l’ancienne direction d’Orpea sont progressivement révélées. Face à cette nouvelle crise, nous avons prôné et accompagné le processus de renouvellement des dirigeants et des membres du conseil», explique Hervé Guez. Celui-ci espère voir les demandes de Mirova concernant la gouvernance d’Orpea être prises en compte, et notamment l’adoption du statut d’entreprise à mission, lors de la présentation du plan de transformation ce 15 novembre. En interne, Mirova compte renforcer ses capacités d’analyse et de vigilance sur les questions de gouvernance d’entreprise au sens très large du terme. L’enjeu sera notamment de se rapprocher encore plus des équipes dirigeantes des sociétés en portefeuille, et mieux analyser les acteurs qui les conseillent. Mais «un investisseur ne refait pas le travail d’un auditeur et d’un commissaire aux comptes», a rappelé le dirigeant. Deux nouveaux actionnaires entament une action de concert Cette décision arrive aussi peu après l’arrivée du fonds de capital-investissement Nextstone Capital et le groupe familial Mat Immo Beaune, ancien actionnaire du groupe de maisons de retraite Les Opalines. Ces deux acteurs ont annoncé fin octobre une action de concert, dénommée Concert’o. A eux deux, ils possèdent désormais 5,52% du capital et 4,6% des droits de vote. Mirova assure que cette action n'était pas liée à sa sortie, et que la vente de ses titres a été effectuée par une table d’exécution indépendante. L’objectif principal des nouveaux actionnaires porte peu ou prou sur les mêmes raisons qui ont fait sortir Mirova. Les deux activistes s’opposent à la conversion de la dette en capital, et proposent plutôt que le groupe se désendette via une cession d’actifs à l’international. Ils estiment notamment que l’opération sur le bilan «risque[rait] d’entraîner à terme la détention de la société par des fonds spéculatifs étranger». La direction a déclaré, de son côté, dans les colonnes du Figaro, qu’une cession d’actifs serait impossible à réaliser à cause du ralentissement immobilier.