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Le financement des collectivités locales est-il assez immunisé contre l’incertitude politique ?

Collectivités locales françaises, maillon vital pour le développement de l’économie réelle
En France, en vertu du principe de subsidiarité, c’est aux collectivités locales qu’il revient d’établir le cadre du développement et de l’aménagement du territoire. Attirer des populations, protéger l’environnement, réindustrialiser, former…. Les communes, intercommunalités, départements, régions sont au premier rang. Dans un cadre défini par le droit européen et par le Parlement, c’est aux élus locaux qu’il revient de réguler leurs territoires. Plan de circulation, plan de sauvegarde et de mise en valeur, plan d’occupation des sols, autorisations d’urbanisme…. Le plein exercice des compétences locales est une condition nécessaire à l’adaptation au changement climatique.
De la protection des zones de captage à l’assainissement des eaux usées, de la collecte des déchets à leur traitement et valorisation, la préservation de la biodiversité s’incarne dans leurs missions. En direct ou en délégation, les collectivités sont toujours à l’origine des missions confiées au secteur privé.
Financement par la dette réservé aux dépenses d’investissement
A ces fonctions vitales s’ajoutent les compétences bien connues et tout autant structurantes : les transports en commun, la voirie, les mobilités douces, les équipements scolaires de l’enseignement primaire à l’enseignement supérieur, les équipements culturels et sportifs - dont les Jeux Olympiques témoignent. Ils constituent tous des équipements à la durée de vie très longue qui bénéficient à plusieurs générations d’habitants. Et c’est afin de faciliter leur construction que les collectivités sont autorisées à recourir à la dette. Seules les dépenses d’investissement, devant donc participer à l’augmentation et à l’entretien du capital des collectivités, peuvent bénéficier d’un financement par l’emprunt.
Par leur nature décentralisée et par leur raison d’être, les collectivités territoriales sont la clé de voûte de l’investissement public. D’année en année, elles représentent près des 2/3 de l’investissement public total, 58% en 2022, selon l’Inspection Générale des Finances, qui note d’ailleurs qu’elles assurent à la France d’un bon niveau d’équipements publics par rapport aux pays membres de l’OCDE[1].
Le niveau de la dépense publique française étant ce qu’il est, nombreux sont ceux qui souhaitent des évolutions afin de le voir réduire. Ces interrogations légitimes arrivent cependant souvent aux mêmes conclusions : la nécessité de réformer et de réduire le nombre de collectivités locales en France. En juin dernier encore, Eric Woerth présentait un rapport allant dans ce sens.
Un pas de côté permet toutefois de constater que la paille n’est pas cachée par la poutre : en 2023, les dépenses des administrations publiques locales représentent 11,3% du PIB, alors que les dépenses de l’Etat s’élèvent à 23,7% du PIB et celles des administrations de sécurité sociale à 26,2% du PIB[2].
Autonomie, diversification et transparence
Contrairement à nombre d’Etats voisins, la France n’est pas une fédération, mais un état unitaire. Cela a nombre de conséquences, souvent objets du débat politique, mais emporte au moins une particularité souvent ignorée en faveur des collectivités : leur autonomie. Cette autonomie, clé de la démocratie locale, ne s’exerce pas sans contrôle a posteriori de légalité ou budgétaire et financier. Administrées librement par des conseils élus, elles connaissent nécessairement l’alternance politique et y sont habituées.
Autre conséquence de l’organisation et de l’histoire française, c’est aux services de l’Etat qu’appartient la collecte de l’impôt. Dans les faits, c’est des travaux de la DGFIP que provient l’immense majorité des ressources des collectivités, qui sont par ailleurs déposées obligatoirement sur des comptes à la Banque de France gérées par le Trésor. Associées à un cadre légal qui rend obligatoire nombre de dépenses, à commencer par les salaires et le remboursement de la dette, et à une exclusion du droit de la faillite, une exposition sur les collectivités locales françaises est assimilée par le régulateur assurantiel (EIOPA et Solvabilité 2) à un risque sur l’Etat.
Lorsque le contexte national est incertain, les collectivités locales, à force d’alternance et dont l’autonomie est garantie, sont au final mithridatisées contre les aléas politiques. Quand bien même c’est un risque sur l’Etat français, le financement des collectivités territoriales est bien plus diversifié et transparent. En effet, il y a de nombreux bénéficiaires potentiels puisqu’il existe différents échelons des collectivités territoriales autour desquels gravitent de nombreux satellites. De plus, ce financement étant encadré par le budget dans lequel il a été voté, il ne peut pas y avoir de doutes quant à son utilisation, qui se transmet directement dans l’économie réelle.

[1] L’investissement des collectivités territoriales, octobre 2023, Inspection Générale des Finances
[2] Chiffres Eurostat : Statistics | Eurostat (europa.eu)