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Les marchés boursiers européens sont confrontés à une crise de liquidité

Les marchés boursiers européens sont confrontés à un problème inquiétant : l’Europe fait face à une crise de liquidité et si la situation actuelle reste inchangée, cette tendance pourrait se poursuivre.
La capitalisation boursière de l’UE (ou la valeur de marché totale des actions des sociétés cotées) n’était que de 10.400 milliards d’euros fin 2022, contre 38.000 milliards d’euros outre-Atlantique, soit moins d’un tiers de la capitalisation boursière aux États-Unis. En outre, les volumes d’échange d’actions au sein de l’UE (une mesure de la liquidité) sont restés parfaitement stables de 2016 à 2022, alors que ce paramètre a augmenté de 40% aux États-Unis au cours de la même période. En France, les volumes de l’indice CAC40 n’ont augmenté que de 2,8% entre 2016 et 2022.
Il existe, bien sûr, de multiples facteurs contribuant à ce décalage. Cependant, deux initiatives sont actuellement menées dans le but d’inverser le déclin. Premièrement, achever la révision du règlement des marchés d’instruments financiers (ou MiFID/R) avec la bonne orientation pourrait contribuer à stimuler la liquidité du marché secondaire. Cette révision est un moment important pour les marchés de capitaux européens, car les décideurs politiques réfléchissent actuellement à la manière d’améliorer leur compétitivité et leur attractivité au niveau international.
Deuxièmement, l’Europe peut également s’efforcer d’améliorer l’émission sur le marché primaire via un projet de loi sur la cotation, qui, une fois mise en œuvre, pourrait simplifier l’accès aux marchés de capitaux européens et rationaliser le processus de cotation ainsi que les exigences ultérieures à la cotation.
A lire aussi: L’attractivité de la Bourse passe par un allégement des prospectus
Naviguer au sein du cadre réglementaire complexe de l’UE
Une partie du problème du marché des actions de l’UE réside dans le cadre réglementaire trop complexe régissant leur fonctionnement, y compris l’existence de certaines restrictions qui ne s’appliquent pas dans d’autres marchés. Pour les banques, expliquer ce cadre réglementaire complexe à leurs clients internationaux et les convaincre de continuer à conclure des opérations au sein de l’UE est un processus long et compliqué.
En vertu des règles relatives à la négociation des actions de l’UE, les entreprises d’investissements sont tenues de faire en sorte que les transactions ne sont exécutées que sur un marché réglementé de l’UE ou sur un système multilatéral de négociation. Le montant des transactions sur certaines places de marché est plafonné au profit des places dites publiques. À l’origine, cette exigence visait à accroître la transparence, cependant, elle a empêché les entreprises de négocier sur les marchés les plus liquides ou de rechercher la meilleure solution pour leurs clients. Par conséquent, ces règles peuvent limiter la concurrence et décourager l’investissement.
Le rôle du MiFID
Pour permettre aux marchés boursiers de prospérer, l’Europe a besoin d’une base de données consolidée sur les actions bien développée. Cette base de données offrira des informations sur la liquidité dans toute l’Europe et sera accessible aux investisseurs.
En mettant en œuvre une telle base de données, l’Europe peut apporter de la visibilité sur sa véritable échelle, ce qui en ferait un lieu plus attrayant pour investir et créera de nouvelles opportunités pour les investisseurs et les entreprises qui cherchent à être cotés dans l’UE. Il s’agit d’un objectif majeur de la révision du MiFID, avec des négociations actuellement en cours sur la manière dont la base de données devrait être structurée.
En plus d’une base de données consolidée, la révision du MiFID devrait également garantir que plusieurs mécanismes de négociation sont proposés aux investisseurs, afin qu’ils puissent obtenir les meilleurs résultats possibles pour leurs clients. En vertu de la MiFID, l’achat et la vente d’actions peuvent avoir lieu sur des plateformes de négociation et des internalisateurs systématiques (IS).
Les IS constituent un élément important de l’écosystème de négociation européen, car ils fournissent aux investisseurs un service similaire à la manière dont les banques accordent des prêts aux entreprises. Lorsque les banques agissent en tant qu’IS, elles utilisent leurs propres fonds propres et leur bilan pour faciliter une exécution plus efficace et souvent à meilleur prix pour les clients. Les données montrent que les IS contribuent à hauteur de 3.000 milliards d’euros supplémentaires par an en liquidité au marché boursier européen qui serait réduite à néant si la faculté de se livrer à ce type de négociation était davantage limitée.
La révision du MiFID impose actuellement des restrictions dépourvues de fondement aux négociations via les IS. En limitant la capacité des investisseurs à choisir le type de mécanisme d’exécution qui convient le mieux à leurs besoins d’investissement, l’attractivité des marchés européens à l’échelle mondiale pourrait en être affectée de manière négative.
Accroître la liquidité grâce à la législation de l’UE sur la cotation
Les marchés boursiers reposent non seulement sur la liquidité du marché secondaire, mais aussi sur la bonne santé du marché primaire. Plus le nombre de sociétés entrant sur le marché est élevé, plus le nombre de sociétés en croissance augmente, permettant de capter les intérêts des investisseurs et d’augmenter les négociations.
Ici aussi l’UE est à la traîne par rapport aux autres marchés. Par exemple, l’écart entre les émissions primaires d’actions de l’UE et des États-Unis s’est considérablement creusé au cours des cinq dernières années. Entre 2018 et 2022, les émissions d’actions dans l’UE ont représenté moins d’un tiers de celles aux États-Unis.
Afin d’améliorer la position de l’UE, la Commission européenne a lancé une série de propositions connues sous le nom de «Loi sur la cotation de l’UE» en décembre 2022. Le projet de loi de l’UE sur la cotation vise à accroître l’attrait des marchés publics pour les sociétés de l’UE en réduisant la complexité et le coût de l’accès au capital pour les petites et moyennes entreprises (PME).
Bien qu’il s’agisse d’une première étape prometteuse visant à renforcer l’attractivité de l’Europe en tant que place de cotation séduisante pour les entreprises, les propositions ne sont pas parfaites. Les propositions générales de la Commission européenne, qui visent à plafonner la longueur des prospectus et à supprimer toutes exigences relatives aux prospectus pour les levées de capitaux secondaires inférieures à 40% de titres fongibles déjà admis à la négociation, réduisent la flexibilité et peuvent créer des risques importants pour les parties prenantes à l'émission. Les propositions de la Législation sur la cotation doivent être révisées afin de s’assurer que les intervenants du marché peuvent continuer à fournir les meilleures informations possibles pour protéger la qualité des cotations.
Placer la liquidité au premier plan
L’Europe est à un stade crucial pour s’imposer comme un marché boursier de premier plan. Il appartient désormais aux responsables politiques de saisir l’occasion d’aborder certaines des questions structurelles et de réviser les principales réglementations sur les marchés de capitaux, qui régissent le fonctionnement des marchés dans l’UE.
Les États-Unis offrent de vastes et larges réserves de capitaux, créant un marché avec des sociétés cotées attrayantes et générant un niveau d’activité plus élevé de la part des investisseurs particuliers. Les investisseurs souhaitent choisir la manière dont ils exécutent les opérations afin de satisfaire à leurs exigences réglementaires en matière de bonne exécution.
Pour inverser la tendance d’une liquidité à la baisse des marchés boursiers européens, les responsables politiques doivent veiller à ce que l’attractivité et la compétitivité de l’Europe en tant que destination d’investissement soient au cœur de leurs décisions.
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