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La responsabilité ESG des entreprises, un enjeu complexe en Afrique

Les législations encadrant la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) se démultiplient. De la loi sur le devoir de vigilance française de 2017, en passant par la Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD) de 2022 ou encore le projet de directive sur le devoir de vigilance, la RSE passe d’un engagement volontaire à une responsabilité juridique.
La judiciarisation des engagements des entreprises a fortement contribué à ces mutations. Dès 2008, la Cour Suprême des États-Unis dans son arrêt Nike/Kasky avait condamné l’entreprise pour publicité mensongère suite aux engagements de cette dernière concernant les conditions de travail dans ses filiales en Asie.
Alors que ce mouvement réglementaire continue, de nouvelles complexités émergent. Ainsi, la charge de la preuve semble s’inverser pour désormais reposer sur les entreprises comme dans le règlement européen relatif à la déforestation ou encore dans celui sur le travail forcé.
Les risques médiatiques se démultiplient à l’heure où le digital est le nouveau tribunal réputationnel et l’opinion publique porte une attention particulière sur le comportement des entreprises. Les «compliance officers» deviennent ainsi essentiels pour encadrer les engagements, mais pas uniquement. La responsabilité juridico-sociétale remonte également jusqu’aux membres des différents conseils et organes de surveillance et imprègne désormais toute l’entreprise jusque dans sa chaîne de valeur.
Le cas africain
Et la situation est plus complexe encore quand on opère sur le continent africain. Sur les chaînes de valeur, de multiples difficultés émergent concernant le respect de l’environnement, le travail décent, la déforestation ou encore les droits humains. Le fonctionnement souvent informel de l’économie complique la mise en place des dispositifs ESG et notamment la collecte des 1.144 données potentiellement et progressivement requises pour toutes les entreprises devant remplir les obligations relatives à la CSRD. Les directions financières et leurs contrôleurs de gestion seront au cœur du dispositif et devront être vigilants, aux côtés des normalisateurs, experts et certificateurs.
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D’autres facteurs aggravent ces difficultés, notamment les contextes politiques à gouvernance perfectible. Les moyens humains, techniques et financiers des administrations de contrôle sont par ailleurs notoirement insuffisants pour assurer un suivi attentif des exigences.
Ces exigences extensives freinent la compétitivité face aux acteurs non assujettis aux mêmes obligations éthiques, humaines et écologiques, alors que se présente une bataille d’influence mondiale sur l’accès aux ressources agricoles et minières, au cœur de la transition énergétique et environnementale. Et en même temps, les entreprises qui ne se conformeraient pas aux exigences légales s’exposent à de forts risques judiciaires et réputationnels d’autant que les médias, réseaux sociaux et organisations de la société civile africaine manquent de maturité pour aborder ces enjeux.
Des opportunités
Pour les entreprises africaines, la mise en conformité pourrait être un nouveau facteur de coûts mais aussi une opportunité d’attractivité vis-à-vis des investisseurs responsables et à impact. L’opportunité pour les directions financières d’intégrer la durabilité pour faciliter leur financement, et donc d’adopter un reporting proche de celui de la CSRD pour répondre aux exigences des acteurs de la finance, et même, peut-être, anticiper les futures réglementations des états africains ou encore de l’OHADA.
Cette évolution bien que complexe présente également des opportunités pour les entreprises européennes. Elles peuvent renforcer l’exigence et l’engagement sociétal de leurs partenaires fournisseurs africains, mais aussi mesurer leurs impacts socio-économiques positifs, liés notamment aux actions de conformité, pour prouver et démontrer leur bonne gestion et leur ambition d’entreprise citoyenne.
A l’échelle du continent, certaines mesures d’intégration et d’amélioration de la prise en compte des enjeux ont déjà été mises en place. L’OHADA a intégré le reporting extra-financier avec la note 35 du SYSCOHADA qui impose la fourniture d’une liste de vingt-six informations relatives aux enjeux ESG. Plusieurs pays ont adopté des lois et les acteurs de l’investissement suivent les principes ESG et Impacts de la Banque Mondiale et de la SFI.
D’autres mesures devront sans aucun doute être mises en place notamment l’intégration de la RSE dans le cadre réglementaire de l’OHADA ou encore le soutien au développement du Global Compact sur le continent.
En dépit des difficultés, de nombreuses opportunités d’impacts positifs se présentent pour l’entreprise et doivent être vues comme une occasion aussi de former et de sensibiliser l’ensemble des équipes et des chaînes de valeur à ces enjeux.
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