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Donner à la France la fiscalité de l’innovation qu’elle mérite

Le 5 septembre dernier, la France retrouvait un premier ministre. Deux semaines plus tard, la composition du gouvernement était actée. Et le 10 octobre, le projet de loi de finances était déposé. Autrement dit, le nouveau Gouvernement a disposé d’un délai d’à peine peu plus de deux semaines. Résultat : le Crédit d’Impôt Recherche (CIR) dont le budget a fortement enflé ces dernières années pour atteindre 7,2 milliards d’euros, et dont les rapports d’évaluation successifs ont démontré une efficacité plus limitée lorsqu’il est perçu par les grandes entreprises que par les TPE-PME, ne fait étonnamment l’objet d’aucune réforme. A l’inverse le Crédit d’Impôt Innovation (CII), perçu par quelque 10 000 TPE-PME innovantes rendues fragiles par les crises successives, et qui pèse quant à lui 300 millions d’euros, n’a pas pour le moment pas été prorogé, ce qui signifie que ce dispositif pourrait, si rien n’est fait, prendre fin au 31 décembre 2024. Au-delà des considérations économiques, le CIR comme le CII n’apportent aujourd’hui aucune incitation fiscale à orienter les efforts de Recherche & Innovation pour relever le grand défi du siècle : la préservation de l’environnement.
Pour toutes ces raisons, le CIR et le CII doivent rentrer au cœur des débats parlementaires et faire l’objet d’une réforme qui peut être tout à la fois raisonnée et ambitieuse pour l’avenir.
Un soutien à l’innovation indispensable
Confrontée au risque d’un déficit pouvant avoisiner les 7% du PIB en 2025, la France fait face à plusieurs menaces : celle d’une amende infligée par Bruxelles eu égard au dérapage budgétaire constaté – dont la conséquence serait l’accroissement du déficit –, ou encore du risque de dégradation de la note de l’emprunteur France – et donc de la hausse du coût de la dette. Sans oublier le risque de fragilisation des TPE-PME dans un contexte économique délétère, de la casse sociale et de la hausse du chômage qui en découleraient et entraîneraient en retour une baisse du pouvoir d’achat, de la croissance, et finalement des recettes de l’État. Un cercle vicieux des plus alarmants, qui justifie la nécessité de mettre en place des mesures soigneusement élaborées.
Alors qu’il faisait jusqu’à récemment encore l’objet de menaces, le Crédit Impôt Recherche et sa créance annuelle de plus de 7 milliards sont finalement les grands rescapés du projet de loi de finances présenté le 10 octobre. Contrairement aux rumeurs dont il a fait l’objet ces dernières semaines, le CIR ne souffrirait finalement d’aucune coupe. Est-ce à dire pour autant qu’il ne gagnerait pas être amendé ? En permettant de stimuler la recherche, le développement et la compétitivité nationale, le CIR a un certain effet de levier sur notre économie. Mais il doit être employé – et attribué – différemment. En tant que première niche fiscale française, et à l’instar d’autres types de financements, le CIR doit être employé à relever le défi du siècle, à savoir la préservation de l’environnement. Et concomitamment, le CIR peut à court terme participer activement à l’effort de réduction du déficit.
Lier réforme et préservation de l’environnement
Les derniers chiffres consolidés du Ministère de la Recherche sont sans appel : seuls 6% de la dépense intérieure totale des travaux de R&D menés par les entreprises en 2021 ont été consacrés aux défis de la préservation de l’environnement.
Aux potentielles coupes à l’aveugle du CII comme du CIR, nous opposons une réforme intelligente et ambitieuse du dispositif, permettant de l’employer au service du bien commun, tout en générant des économies immédiates dont le pays a besoin pour réduire son déficit à court terme. Voici les détails de la proposition de New Deal de la fiscalité française de l’innovation.
Pour les entreprises de tailles intermédiaires (2200 bénéficiaires du CIR) et les grandes entreprises (465 bénéficiaires du CIR) qui captent actuellement ensemble 69% de la dotation du CIR, soit 5,1 milliards d’euros :
- Un projet de R&D qui a un impact positif fort en matière d’environnement : le taux de CIR passe à 40% (+10 points)
- Un projet de R&D qui a un impact limité en matière d’environnement : le taux de CIR passe à 20% (-10 points)
- Un projet de R&D qui a un impact néfaste pour l’environnement : le taux de CIR passe à 0%, un tel projet n’a pas vocation à être soutenu par l’État.
Pour les TPE-PME (actuellement plus de 13 000 TPE-PME bénéficiaires, pour 31% de la dotation annuelle de CIR, soit 2,1 milliards d’euros auxquels s’ajoutent environ 0,35 milliards d’euros de CII venant soutenir près de 10 000 TPE-PME bénéficiaires, soit environ 35 000 euros par TPE/PME par an) :
- Un projet de R&D (CIR) ou d’innovation (CII) qui a un impact positif fort en matière d’environnement : le taux de CIR et de CII passe à 50% (+20 points)
- Un projet de R&D (CIR) ou d’innovation (CII) qui a un impact limité en matière d’environnement : le taux de CIR et de CII reste à 30%
- Un projet de R&D (CIR) ou d’innovation (CII) qui a un impact néfaste pour l’environnement : le taux de CIR et de CII passe à 0%, un tel projet n’a pas vocation à être soutenu par l’État.
Economie immédiate
L’économie immédiate à réaliser s’élève à 1,5 milliard d’euros. Elle provient pour l’essentiel des grandes entreprises qui, dans quelques années, pourront voir leur dotation de CIR revenir aux mêmes niveaux qu’en 2024, dès lors qu’elles consacreront l’essentiel de leurs efforts de R&D pour répondre au grand défi de l’humanité du XXIème siècle.
Concernant les PME, et là aussi toujours dans l’immédiat, l’impact sur le budget du CIR et du CII sera neutre : la grande majorité des projets à impact limité (innovation produit, innovation logicielle, suivant le principe du DNSH pour Do No Significant Harm) verront leur taux maintenu à 30%, tandis que les économies réalisées sur les projets néfastes pour l’environnement viendront peu ou prou équilibrer le bonus accordé aux projets à impact fort en matière d’environnement. Un CIR/CII porté à 50% sera également de nature à stimuler de plus nombreuses créations de startups dédiées aux défis de préservation et de restauration de l’environnement.
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