L’aversion au risque fait exploser les valeurs refuges

En annonçant hier en fin de journée un décalage du 1er septembre au 15 décembre des droits de douane de 10% sur certains produits chinois importés, dont les téléphones, afin de ne pas gâcher Noël, Donald Trump a apporté un peu de baume au coeur des investisseurs, confrontés depuis quelques semaines à un climat des affaires pour le moins difficile : le Brexit alimente encore les incertitudes ; les tensions commerciales ne retombent pas réellement entre la Chine et les Etats-Unis ; et de nouveaux nuages apparaissent.
En Asie, les manifestations à Hong-Kong pourraient tirer vers le bas la troisième place boursière asiatique et entraîner les autres derrière elle. En Europe, le sénat italien joue la montre pour discuter d’une éventuelle motion de censure contre le gouvernement faisant craindre des élections anticipées cet automne qui se télescoperaient avec les travaux préparatoires du budget 2020. Le moral des investisseurs allemands est aussi tombé au plus bas depuis 7 ans et demi (-44,1 selon l’enquête mensuelle de l’institut ZEW). Dans les Amériques, aux manœuvres monétaires de la Fed s’ajoutent désormais, plus au Sud, les craintes de défaut de l’Argentine suite à la victoire électorale d’Alberto Fernandez. Les bourses sont les premières victimes. Mardi matin, Buenos Aires perdait 37,93% au réveil.
Dans ce climat, les investisseurs se rabattent sur les valeurs les plus sûres. Le rendement des obligations américaines à 30 ans a perdu 14 points de base, s’approchant d’un plus bas historique, autour des 2,1% alors que celui à 10 ans a perdu 10 points de base et atteint 1,65%. Dans sa dernière enquête mensuelle, Bank of America Merrill Lynch (BAML) souligne qu’un tiers des sondés estiment que les tensions commerciales augmentent la possibilité d’une récession au cours des douze prochains, nourrissant un optimisme sur l'évolution des cours des obligations, inégalé depuis la crise financière mondiale de 2008. Les Etats-Unis restent la destination privilégiée des investisseurs pour la même période. Pour Gennadiy Goldberg, stratège de TD Securities, le risque «est le moteur du mouvement, qui aplatit la courbe plutôt qu’il ne l’intensifie. Ceci suggère que le marché est moins entraîné par les réserves globales que par un ‘flight to quality’ ou l’incertitude mondiale».
Le flight to quality se concentre d’abord sur les monnaies : le franc suisse atteint ses niveaux les plus importants depuis juin 2017 justifiant l’intervention de la Banque nationale suisse. Le yen est dans une période de sept mois de plus haut par rapport au dollar.
Le mouvement vers l’or pourrait encore s’amplifier
C’est toutefois l’or qui concentre le plus l’appétit des investisseurs. Le métal jaune a dépassé les 1.500 dollars l’once mardi, atteignant un plus haut en six ans. Georgette Boele, analyste chez ABN Amro, résume : «les rendements obligataires et les actions sont en baisse, ce qui est la raison principale pour que l’or soit plus élevé». Face au manque de valeurs sûres, l’or tire son épingle du jeu en symbolisant le placement le plus sûr.
Alors que 69% des traders estiment que la Fed pourrait baisser de 25 points de base son taux d’intérêt en septembre, ce mouvement vers l’or pourrait encore s’amplifier. Lukman Otounga, analyste chez FXTM prévient qu’une «demande solide et une clôture journalière au-dessus du niveau de 1.525 dollars risquent d’injecter des tombereaux d’or avec suffisamment d'élan pour défier 1.550 dollars».
Plus d'articles du même thème
-
La chute se poursuit sur des marchés paniqués par la guerre commerciale
Les Bourses européennes ont ouvert dans le rouge vif lundi après le plongeon des marchés asiatiques. Les taux continuent également à reculer. -
Les cours de Bourse des gestionnaires d'actifs ne sont pas épargnés par la bataille des tarifs douaniers
L'Agefi a calculé et compilé les variations de cours enregistrées par les gestionnaires d'actifs cotés en Bourse sur les séances du 3 et 4 avril 2025 après les annonces américaines sur les droits de douane. -
Le risque de surenchère tarifaire tétanise les marchés
La riposte de la Chine aux tarifs douaniers réciproques de Donald Trump a exacerbé le risque d'escalade et de récession, plongeant les marchés financiers encore davantage dans la tourmente. Wall Street accuse sa pire chute depuis la crise Covid. L'Europe efface ses gains de 2025. Les investisseurs fuient vers les emprunts d'Etat.
Sujets d'actualité
ETF à la Une
Contenu de nos partenaires
-
Pénuries
En combat air-air, l'aviation de chasse française tiendrait trois jours
Un rapport, rédigé par des aviateurs, pointe les « vulnérabilités significatives » de la France en matière de « supériorité aérienne », décrivant les impasses technologiques, le manque de munitions et les incertitudes sur les programmes d'avenir -
Escalade
L'armée algérienne passe à la dissuasion militaire contre la junte malienne
La relation entre Alger et Bamako ne cesse de se détériorer ces derniers mois alors qu'ex-rebelles et armée malienne s'affrontent à la frontière algérienne -
En panne
Pourquoi les Français n’ont plus envie d’investir dans l’immobilier
L’immobilier était le placement roi, celui que l’on faisait pour préparer sa retraite, celui qui permettait aux classes moyennes de se constituer un patrimoine. Il est tombé de son piédestal. La faute à la conjoncture, à la hausse des taux, à la chute des transactions et à la baisse des prix, mais aussi par choix politique : le placement immobilier a été cloué au pilori par Emmanuel Macron via une fiscalité pesante et une avalanche de normes et d’interdictions