JPMorgan bâtit ses infrastructures pour dominer les paiements

La plus grande banque américaine se donne les moyens de garder son rang dans les paiements. Le pôle paiements et services de trésorerie de JPMorgan connaît une croissance soutenue, avec une hausse de 40% de ses revenus l’an dernier, atteignant 14 milliards de dollars. Le pôle nourrit cette croissance à coups d’investissements dans l’innovation et via une expansion hors des Etats-Unis.
En Europe, en plus du Royaume-Uni, la banque accroît son activité dans les pays de l’Union européenne (UE). «Dans ce dispositif, Paris gagne en importance, la banque offrant à ses clients américains un accès aux banques françaises et servant les groupes français dans leurs opérations de paiement à l’international, expose Takis Georgakopoulos, responsable mondial des paiements chez JPMorgan, qui a accordé un entretien exclusif à L’Agefi. En plus de l’Europe, nos services aux grands groupes internationaux connaissent une accélération en Amérique latine et en Asie.»
Le service d’acquisition d’opérations de paiement, où la banque s’occupe d’accepter les paiements pour le compte des marchands et d’établir les liens avec les réseaux de cartes et les banques, constitue un marché en plein essor, avec 2.200 milliards de dollars traités l’an dernier par JPMorgan. Il a représenté 10% des revenus du pôle paiements l’an dernier. «La banque occupe une place de numéro un mondial en valeur et en volume. Sa part de marché dans l’acquisition de paiement dépasse les 50% aux Etats-Unis comme en Europe», souligne Takis Georgakopoulos.
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La banque veut à présent connecter encaissements et paiements en offrant des services aux plateformes et à leurs contreparties, les vendeurs présents sur la plateforme, dont le nombre peut être très élevé. «Nous avons construit l’infrastructure nécessaire pour ce service aux nouvelles plateformes. Nous sommes la seule banque à offrir ce service de transactions à grande échelle et internalisé, et qui était jusqu’ici l’apanage de fintechs, comme Stripe, Adyen, Wise, etc.», explique Takis Georgakopoulos. Pour le rentabiliser, une banque doit exécuter les opérations en instantané et de façon industrialisée.
Traitements industriels
La banque table sur une progression de l’instantanéité partout dans le monde. Pour être sur les rangs, il faut être capable d’offrir un service sans interruption. La banque investit depuis 2017 dans le cloud, qui permet d’effectuer les transactions en quelques secondes, sans interruption pour les mises à niveau des systèmes et en absorbant les pics d’activité. Si les paiements instantanés restent pour l’instant domestiques, et en moyenne de faible montant, la stratégie mise sur leur évolution accélérée dans un proche avenir. Le groupe sera l’un des premiers participants à FedNow, infrastructure de paiement instantané voulue par la Réserve fédérale américaine et qui prévoit d’inclure toutes les banques américaines.
Par ailleurs, JPMorgan s’intéresse aux nouvelles habitudes d’achat et à l’émergence des plateformes d’influenceurs, comme TikTok. Elle travaille aussi sur un pilote avec le groupe Sephora en vue de proposer un achat à partir du téléphone portable avec l’appui de la biométrie.
Dans les chantiers innovants des paiements d’entreprises, le machine learning et l’intelligence artificielle figurent en bonne place. Ces technologies sont opérationnelles pour la conformité et la lutte contre les fraudes et le filtrage selon les listes de sanctions. «Les faux positifs sont encore trop nombreux, mais le ‘machine learning’ peut aider à faire baisser leur fréquence, assure Takis Georgakopoulos. Avec l’intelligence artificielle générative, les modèles sont encore plus pertinents, l’utilisation de cette technologie monte en flèche.»
Une offre «data as a service»
Grâce aux données multiples dont dispose JPMorgan via l’étendue de son emprise dans les paiements, la banque déploie aussi une offre de data as a service. «Nous offrons, aux Etats-Unis, un service de prévalidation de paiements, nos données nous permettant de vérifier en quelques secondes l’exactitude des informations sur un paiement, explique le dirigeant américain. Nous commençons le déploiement du service en Europe, avec un premier partenariat avec Deutsche Bank couvrant l’Allemagne.»
En outre, la banque a mis au point des services en Saas (software as a service), où elle intègre différents systèmes et acteurs pour une prestation débouchant sur un paiement, comme les offres de services embarquées dans une voiture. L’acquisition de 75% de Volkswagen Payments il y a deux ans a été faite en ce sens, la banque travaillant avec le groupe automobile à des connexions entre le véhicule et les paiements ainsi que tout l’écosystème environnant, sur le sujet de l’énergie notamment. «Cette connectivité a plutôt été laissée par les banques aux fintechs, mais nous voulons être présents sur le sujet», déclare Takis Georgakopoulos.
Enfin, la banque consacre beaucoup d’investissements à la blockchain, une technologie qui promet de servir de support à des paiements instantanés sans limite et à coût modéré. Pour l’instant, JPMorgan s’implique dans les projets de monnaie digitale de banque centrale (CBDC), notamment celui conduit par Singapour. Elle vient aussi de signer un partenariat avec six banques indiennes pour des transactions interbancaires en dollars basées sur une plateforme blockchain. Elle propose le JPM Coin et d’autres solutions d’actifs digitaux, qui lui permettent de traiter un à deux milliards de dollars par jour en paiements et transactions de marché. «Une transaction vient d’être mise au point avec Siemens en Allemagne, une première européenne avec un JPM Coin en euro, rappelleTakis Georgakopoulos. Nous travaillons avec les régulateurs pour établir des solutions aussi robustes et conformes à la réglementation que les solutions de paiement traditionnelles.»
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