L’Autorité européenne des marchés financiers (Esma) veut s’appuyer sur ses prochaines orientations de dénomination des fonds ESG et durables pour faire le ménage dans la catégorie des fonds «article 8" de la réglementation SFDR (Sustainable Finance Disclosure Regulation). Lors d’une audience publique sur la consultation relative à ces futures orientations, qui s’est tenue le 23 janvier, la présidente de l’Esma, Verena Ross, a expliqué que l’encadrement de la catégorie des fonds sous « Article 8 » était sa principale préoccupation du moment. Les fonds «article 8" sont placés dans cette catégorie de manière auto-déclarative par leurs gérants et doivent posséder des caractéristiques ESG. Mais SFDR ne contient actuellement aucune métrique pour vérifier la véracité de ces déclarations. Dès lors, de nombreuses sociétés de gestion ont pu avoir l’ambition de placer leurs stratégies dans cette catégorie, sans pour autant s’y conformer pleinement. Mais les futures orientations portant sur la dénomination des fonds ESG et durables, qui sont en cours d’élaboration et qui n’entre pas dans le cadre de SFDR, prévoient pour le moment d’instaurer des seuils minimums d’investissement ESG et durables pour qu’un fonds puisse se prévaloir d’un tel nom. Ainsi, il faudrait 80% du portefeuille orienté sur l’ESG pour pouvoir utiliser cet acronyme et les termes qui y sont liés, et y rajouter 50% en durabilité si l’on veut ce terme. La consultation s’appuie également sur l’application des critères d’exclusion pour tous les investissements de ces fonds. L’Esma a proposé l’application du critère d’exclusion suivi par l’indice Paris-aligned Benchmark (PAB), un point sur lequel le régulateur souhaite avoir un retour de la part de l’industrie. Consultation jusqu’au 20 février Cette audience visait à apporter des précisions sur ces futures orientations applicables à tous les fonds sous les directives Ucits et AIFMD. Ces orientations, ouvertes à une consultation publique jusqu’au 20 février, doivent apporter davantage de transparence aux investisseurs, car le nom d’un fonds est un outil puissant de marketing, selon le régulateur. « Tout fonds peut prétendre avoir des caractéristiques ESG et se déclarer conforme à l’article 8 sans aucun seuil sous-jacent. Si les fonds utilisent un nom faisant la promotion de l’ESG ou de la durabilité sans qu’un certain pourcentage soit à la hauteur du nom, ils risquent d’être mal représentés et de se livrer à un écoblanchiment potentiel », a déclaré Verena Ross. L’Esma a rappelé que ces orientations additionnelles ne concerneraient que des fonds avec ces termes dans leurs noms, quelque soit leur catégorisation SFDR. Cette dernière est obligatoire pour tous les fonds, a clarifié le régulateur. Cependant, la nouvelle règle sur les noms utilisera quelques notions importantes mentionnées dans la régulation SFDR. Par exemple, pour les fonds portant le terme «Sustainability» dans leur noms, ils devront avoir 50% d’investissement durable, dont la définition provient de SFDR (Article 2-17). En ce moment, l’industrie de la gestion d’actifs se débat sur cette définition jugée trop vaste, ce qui a amené les autorités règlementaires dont l’Esma à demander davantage de précision de la part de la Commission européenne. Les orientations sur les noms devraient entrer en vigueur au troisième trimestre 2023, moment où la Commission européenne devrait donner davantage de précisions concernant la définition du concept de durabilité. S’attaquer au «greenwashing» Pour soutenir ses propos, l’Esma a dévoilé qu’à l’heure actuelle, 14% des fonds domiciliés en Europe, soit 4.192 fonds, utilisent au moins un terme lié à l’ESG ou la durabilité dans son nom. La majorité de ces fonds (2.730) appartient à la catégorie « Article 8 ». Le régulateur européen a remarqué que 534 fonds catégorisés comme Article 6, qui ne prennent donc pas en compte les critères ESG, portaient aussi des termes liés à l’ESG ou la durabilité. Cette incohérence soulève, selon l’Esma, des questions potentielles de conformité et demande une action imminente pour s’attaquer au greenwashing. Cependant, le régulateur a évité de publier une liste des termes d’ESG ou la durabilité utilisée par ces fonds, car « cela peut amener des acteurs à contourner cette ligne directrice en utilisant un terme différent pour le même concept ».