Le 7 mai dernier,Shareholders for Change,groupe d’investisseurs prônant l’engagement actionnarial, a déposéune résolution lors del’assemblée générale d’H&M demandant aux dirigeants d’intégrer des objectifs de développement durable dans la détermination de leur rémunération variable. Ils concernent notamment la santé, les conditions de travail et les salaires des employés de la chaîne d’approvisionnement du groupe. Peine perdue, l’actionnariat de H&M étant majoritairement familial (75%). «Au-delà du vote de l’actionnaire majoritaire, nous sommes surtout déçus du peu d’informations que nous avons reçu sur les résultats du vote.En Suède, il n’y a pas de décompte précis des voies sur les résolutions mais un vote par «acclamation» difficilement quantifiable. Cependant, nous aurions au moins aimé être informés de la proportion des votes émis par correspondance qui peuvent, eux, être répertoriés facilement», a regrettéAurélie Baudhuin, directrice générale déléguée de Meeschaert AM et présidente de Shareholders for Change.Cette initiative est l’un des exemples présentés ce jeudi 23 mai par Shareholders for changeà l’occasion d’une conférence de presse. Le réseau d’investisseurs, lancé en 2017, a également détaillé son engagement auprès de l’assureur italien Generali. «Nous avons un dialoguerégulier avec l’assureursur sa politique d’investissement dans le charbon au regard de ses engagements en matière d’investisseur socialement responsable», a soulignéMauro Meggiolaro consultant de Banca Etica et coordinateur des activités européennes de Shareholders for Change.En 2018, les actions du groupement ont été principalement focalisées sur des grandes capitalisations européennes et américaines. Au total, ce sont 15 actions qui ont été engagées dont 14 auprès de sociétés et une auprès de la Commission européenne.L’actionnariat critiqueLe réseau a également présenté le conceptd'« actionnariat critique », une pratique courante en Italie et en Allemagne. Elle consiste àquestionner l’entreprise ou d’émettre des avis sur des sujets d’actualité qui les préoccupent. Le groupea citéle cas de Rheinmetall. Cetteentreprise allemande, leader dans le secteur de l’armement, a été interpellée sur l’activité de production de bombes par sa filiale italienne RWM Italia SpA. Celles-ci, exportées en Arabie saoudite, sont utilisées dans le conflit au Yémen, provoquant la mort de nombreux civils. Les membres Finanza Etica et Bank für Kirche und Caritas ont représenté le réseau à l’assemblée générale de 2018 de Rheinmetall pour demander des explications aux dirigeants de l’entreprise. Ces derniers se sont engagés à poursuivre des investigations auprès de leur filiale sarde. Shareholders for Change a annoncé qu’elle allait renouveler son intervention lors de la prochaine assemblée générale qui aura lieu le 28 mai prochain."Nous pouvons également acquérir une ou plusieurs actions d’entreprises faisant l’objetdecontroverses afin de proposer à des ONG de venir participer aux assemblées générales de ces sociétés et de les questionner», a expliqué Mauro Meggiolaro.Créé par sept membres fondateurs, le réseau compteà ce jour 10 membres, représentant 140 milliards d’euros sous gestion, implantés dans plusieurs pays européens:- Allemagne : Bank für Kirche und Caritas eG,- Autriche : Fair-finance Vorsorgekasse,- Espagne : Fundacion Fiare,- France : Ecofi Investissements et Meeschaert AM,- Italie : Etica Sgr, Gruppo Banca Etica et Fondazione Finanza Etica.- Suisse : Ethos Foundation et Forma Futura Invest- Royaume-Uni : Friends Provident FoundationLe «capitalisme de connivence à la française"Par ailleurs, le réseau a annoncé l’arrivée prochaine d’un onzième membre. «Nous ne voulons pas grandir trop vite pour ne pas diluer nos forces», a indiqué en marge de la conférence Aurélie Baudhuin. Interrogée sur le profil des membres actuels et futurs, la dirigeante a rappelél’importance de l’indépendance du réseau. «Avoir des acteurs non-indépendants pourrait être un risque de perdre l’essence même de notre action, à savoir questionner les grands groupes sur leurs actions en faveur d’une économie durable et responsable», a-t-elle insisté. Un commentaire qui fait écho aux propos tenus plus tôt par Thierry Philipponat, fondateur de Finance Watch, qui mentionnait le «capitalisme de connivence à la française» ou ceux de Pervenche Berès, députée européenne, qui préférait parler de «too close to speak». Dans tous les cas, il s’agit donc de se méfier d’intérêts trop convergents qui pourraient freiner l’engagement actionnarial de Shareholders for Change.Si le principe est louable, il rend de facto le champs d’actions du réseau plus limité. Rappelons par exemple qu’en France, le dépôt d’une résolution en assemblée générale nécessite de détenir au moins 0,5 % du capital de l’entreprise. Difficile d’imaginer dans ces conditions que Shareholders for Change puisse en proposer une à une entreprise du CAC 40... Cependant,Aurélie Baudhuin rappelait, à juste titre, l’exemple de l’assemblée générale de Total en 2012. À l'époque, plusieurs investisseurs s'étaient réunis afin de déposer une résolution pour demander plus de transparence. L’opération avait capoté au deuxième tour de table car des investisseurs trop proches des intérêts de Total s'étaient finalement retirés et le pool restant d’investisseurs n’atteignait pas les 0,5 % fatidiques.Sauf surprise, le réseau ne devrait donc pas accueillir de grosses banques ou d’investisseurs institutionnels dans le futur. En revanche, il souhaiterait intégrerun acteur scandinave afin d'élargir son champs de connaissance. L’un des objectifs affiché par le groupement étant de partager les différentes pratique en Europe.