Rien ne semble assouvir les appétits d’Elliott Management. En quelques jours, le puissant investisseur activiste est entré au capital de plusieurs groupes technologiques de premier plan. Le contexte s’y prête. L’an dernier, les entreprises numériques ont représenté 27% des campagnes américaines des investisseurs activistes, bien au-delà de la moyenne de 16% des années précédentes, d’après la dernière étude trimestrielle de Lazard. Logique: «ils ont profité des valorisations historiquement basses du secteur», et donc de l’affaiblissement potentiel de ces entreprises, relève la banque d’affaires. A leur habitude, ces activistes «ont exhorté les entreprises technologiques à réduire leurs coûts, et à repenser la viabilité de leurs stratégies de croissance», poursuit l’étude. Au passage, ils pointent souvent du doigt leur gouvernance, réclamant parfois au passage un siège au conseil d’administration. Elliotts’inscrit dans cette logique. Vantage Towers, la cible parfaite Dernière cible en date: le «TowerCo» allemand Vantage Towers, dans lequel Elliott a déclaré qu’il détenait 5,6% du total des droits de vote au 24 janvier, d’après un dossier réglementaire publié ce mardi. L’opérateur d’infrastructures mobiles passivescréé par l’opérateur télécom britannique Vodafone est une nouvelle cible de taille pour le fonds créé par Paul Singer,: c’est son premier «TowerCo», qui exploite des dizaines de milliers de tours mobiles dans 10 pays européens, dont le Royaume-Uni. Elliott arrive dans un contexte agité pour les TowerCo: alors qu’ils figuraient parmi les actifs les plus valorisés dans les télécoms à l’ère de la dette bon marché, la hausse des taux d’intérêt a changé la donne, faisant grimper le coût du passif pour ces entreprises endettées, et faisant chuter leurs actions. Vantage est en outre en pleine mutation: Vodafone a transféré récemment sa participation de 82% dans Vantage à une nouvelle entité qu’il contrôle conjointement avec un groupe d’investisseurs privés comprenant KKR, le Fonds d’investissement public saoudien et Global Infrastructure Partners. Western Digital et Salesforce dans son portefeuille Autre nouvelle cible pour Elliott, dévoilée aussi mardi: le fabricant américain de disques durs Western Digital. Il recevra 900 millions de dollars (824 millions d’euros) via un accord d’actions privilégiées et d’actions convertibles (convertible preferred stock) par Elliott et la société de capital-investissement Apollo Global. Les actions privilégiées vendues à Apollo et Elliott ont un prix de conversion de 47,75 dollars par action, soit une prime d’environ 9% par rapport à son cours de clôture de 43,95 dollars mardi. Western Digital versera aussi un dividende à partir de 6,25% par an. Déjà en fin d’année dernière, Elliott avait divulgué une participation de près d’un milliard de dollars dans l’entreprise. Ses premières revendications ont été entendues: Western Digital a lancé un examen stratégique, notamment pour scinder ses activités de mémoire flash et de disque dur. Et le 24 janvier, Elliott avait annoncéson entrée au capital du vénérable fournisseur japonais de pièces de batteries coté Dai Nippon Printing. Avec un peu moins de 5% de participation, pour une valeur de 300 millions de dollars, il en est le troisième plus grand actionnaire externe. En janvier,le fonds activiste avait déjà frappé fort en entrantau capital d’un puissant groupe technologique américain, l’éditeur de logiciels professionnels Salesforce, avec une participation de plusieurs milliards de dollars. Pile au moment où le géant américain connaît une période de turbulences, entre un ralentissement de son activité, qui l’a contraint à annoncer début janvier le licenciement prochainde 10% de ses effectifs; et un problème de gouvernance, avec le départ imminent de sonco-PDG Bret Taylor, qui laisse le fondateur Marc Benioff comme seul PDG. Les revendications d’Elliott: un meilleur contrôle des coûts – il critique des acquisitions coûteuses comme celle de Slack pour 27,7 milliards de dollars - et un remaniement de la direction de la société. Par volonté d’apaisement, Salesforce a annoncé dès le 30 janvier la nomination de trois nouveaux administrateurs. Elliott s’est aussi fait une place chez des éditeurs de médias sociaux affaiblis, tel Pinterest, en proie à une diminution de son audience. Il s’est invité à son capital en juillet 2022, et obtenu en fin d’année un siège au conseil d’administration avec la nomination de son gestionnaire de portefeuille Marc Steinberg, peu après avoir triplé sa participation. Par le passé, il a aussi siégé au board de Twitter, jusqu’à son rachat par le milliardaire Elon Musk. Il avait mené une campagne critique à l’encontre de la direction de Twitter début 2020 et obtenu un siège au conseil d’administration l’année dernière.