Environ 180 milliards d’euros d’investissements supplémentaires par an seront nécessaires pour que l’UE puisse atteindre les objectifs pour 2030 fixés lors du sommet de Paris, comprenant une réduction de 40 % des émissions de gaz à effet de serre. C’est pourquoi, sur la base des recommandations formulées par le groupe d’experts de haut niveau sur la finance durable (HLEG ou High Level Expert Group), la Commission a présenté ce 8 mars une feuille de route destinée à dynamiser le rôle de la finance dans la mise en place d’une économie qui, tout en étant performante, servirait les objectifs environnementaux et sociaux."Le plan d’action sur la finance durable s’inscrit dans le cadre des efforts déployés au titre de l’union des marchés des capitaux (UMC) pour que la finance réponde aux besoins spécifiques de l'économie européenne, dans l’intérêt de la planète et de notre société. Il s’agit aussi de l’une des principales mesures visant à mettre en œuvre l’historique accord de Paris et le programme de développement durable de l’UE», souligne un communiqué. «Le passage à une économie plus verte et plus durable est bénéfique pour la création d’emplois, pour les citoyens et pour la planète. Nous agissons aujourd’hui pour que le système financier contribue à la réalisation de cet objectif. Nos propositions permettront aux investisseurs comme aux particuliers de faire des choix positifs, afin que leur argent soit utilisé de manière plus responsable et soutienne un développement durable» a commenté Frans Timmermans, Premier vice-président, cité dans le communiqué.Les principaux éléments du plan d’action :Il y a un an, la Commission a mis sur pied un groupe d’experts à haut niveau sur la finance durable, chargé d'élaborer un ensemble complet de recommandations pour faire en sorte que le secteur financier soutienne la transition vers une économie à faibles émissions de carbone. S’appuyant sur le rapport final du groupe d’experts, la Commission propose aujourd’hui une stratégie de l’UE en matière de finance durable, assortie d’une feuille de route qui expose les travaux à mener et les actions futures auxquelles participeront tous les acteurs concernés du système financier. Ces actions consisteront notamment à:- établir un langage commun pour la finance durable, autrement dit un système de classification unifié (taxinomie) de l’UE, afin de définir ce qui est durable et d’identifier les domaines dans lesquels les investissements durables peuvent avoir la plus forte incidence;- créer des labels de l’UE pour les produits financiers verts, sur la base de ce système de classification de l’UE: les investisseurs pourront ainsi déterminer facilement les investissements qui respectent des critères de faibles émissions de carbone ou d’autres critères environnementaux;- clarifier l’obligation, pour les gestionnaires d’actifs et les investisseurs institutionnels, de tenir compte des aspects de durabilité dans le processus d’investissement et renforcer leurs obligations en matière de publication d’informations;- imposer aux entreprises d’assurance et aux entreprises d’investissement d’informer leurs clients sur la base de leurs préférences en matière de durabilité.- intégrer la durabilité dans les exigences prudentielles: les banques et les entreprises d’assurance sont une source de financement externe importante pour l'économie européenne. La Commission examinera s’il est envisageable de recalibrer les exigences de fonds propres applicables aux banques (le «facteur de soutien vert») pour les investissements durables, lorsque cela se justifie du point de vue du risque, tout en veillant à préserver la stabilité financière;- renforcer la transparence en matière de publication d’informations par les entreprises: nous proposons de réviser les lignes directrices relatives à la publication d’informations non financières, afin de les aligner davantage sur les recommandations formulées par le groupe de travail du Conseil de stabilité financière sur la publication d’informations financières relatives au climat.Les PRI, premier réseau mondial d’investisseurs responsables, ont salué l’adoption du Plan d’action pour le financement de la croissance durable, marquant l’aboutissement des travaux de la Commission européenne fondés sur le rapport du HLEG pour le soutien de la finance durable. «Du point de vue des PRI, la prise en compte des critères ESG et la mise en place d’une politique favorable à l’investissement responsable doivent aller de pair», déclare Nathan Fabian, directeur des affaires publiques et de la recherche au sein des PRI. « Il est temps que les décideurs politiques réagissent de manière globale avec une vision de long terme, et c’est précisément ce que la Commission semble apporter aujourd’hui. Nous saluons donc avec enthousiasme ce plan», ajoute Nathalie qui encourage tous les signataires des PRI à considérer ce plan d’action comme «une opportunité unique d’améliorer le fonctionnement et les performances du système financier, en apportant un service plus responsable pour les épargnants». L’association allemande des professionnels de la gestion, la BVI, a également accueilli favorablement le plan d’action bruxellois. «De très nombreuses propositions figurant dans le plan d’action ont notre soutien total, par exemple la création d’un catalogue de critères pour les facteurs ESG (Taxonomie) ou encore l’intégration de ces critères dans les notations et la recherche», a commenté Thomas Richter, directeur général de l’association professionnelle. La BVI jette toutefois un regard critique sur la demande formulée auprès de l’Autorité européenne des marchés financiers (AEMF ou Esma) d’identifier les fonds, qui donnent la priorité aux gains à court terme. Selon la BVI, d’autres critères devraient être pris en compte dans le cadre de cette évaluation, par exemple la durée de détention des tires. «La gestion active consiste à analyser des titres et ensuite à les acheter ou les vendre. Si les gestionnaires de fonds actifs sont trop passifs, on leur reprochera de trop coller à l’indice. S’ils sont trop actifs, on leur reprochera une stratégie d’investissement court-termiste. La frontière ne peut pas être décrétée par la loi pour tous les fonds de la même manière. Elle dépend de la stratégie d’investissement des différents fonds», estime Thomas Richter.Philippe Zaouati, CEO de Mirova, membre du HLEG et président de Finance For Tomorrow, salue le travail de la Commission dont le plan d’action «reflète l’ensemble des éléments clés du rapport du HLEG sur la finance durable et certaines propositions, telles que celle concernant les indices de marchés (benchmarks), vont même au-delà. Il est rare de voir un tel élan, rapide et ambitieux, et c’est tout à l’honneur de la Commission». Cela dit, estime Philippe Zaouti, à l’approche des prochaines élections européennes, «le calendrier est serré». alors que les ambitions sont «importantes». De son point de vue, «la nécessité d’agir rapidement pour concrétiser les changements ne doit pas limiter le niveau d’ambition. Par exemple, l’utilisation du dispositif de l’éco-label pour créer un label volontaire à l'échelle de l’UE constituerait une étape très significative : le processus devrait débuter immédiatement, sans attendre l’adoption finale d’une taxonomie européenne, mais plutôt entériner la taxonomie européenne à chaque étape de son développement, en commençant par les sujets climat». A l’occasion d’une conférence organisée jeudi par le Forum pour l’investissement responsable (FIR), quatre membres féminines du groupe d’experts de haut niveau se sont réjouies de la publication du plan d’action de la Commission, fruit d’un travail de 18 mois. Concernant les labels, Mais comme l’a souligné Arlene McCarthy, executive director d’AMC Strategy, et ancien membre du Parlement européen, « ce n’est que le début du voyage, et pas la destination finale ».