Avant de calculer et compenser l’empreinte carbone de ses salariés, Yves Choueifaty, fondateur et directeur général de la société de gestion Tobam, a commencé par calculer et compenser celle de sa famille. Une démarche qu’il a entreprise lors de la naissance de son fils aîné. «Cela fait 22 ans que je la calcule et que je plante 300% d’empreinte carbone en compensation. Tobam fait de même depuis des années. Il y a trois manières d’aborder le sujet du carbone. La première, c’est d’éviter d'émettre. Nous pourrions éviter une dizaine de % des émissions carbone actuelles. La deuxième, c’est de le réduire, là, le potentiel est d’une quinzaine de % de réduction. La troisième, c’est de compenser. On peut compenser à peu près 300% des émissions sans modifier drastiquement nos modes de vie », expose Yves Choueifaty à NewsManagers. Le fondateur de Tobam évoque un «Scope 4» (les émissions de gaz à effet de serre d’une organisation sont classées par scope 1,2 et 3, ndlr) pour se référer à la compensation des émissions des employés de Tobam.Le gestionnaire est audité chaque année par une société externe pendant une quinzaine de jours pour le calcul de son empreinte carbone. Il paye ensuite l’obtention d’un certificat de décarbonation, qui correspond au nombre (multiplié par 3) de tonnes de carbone qu’elle a émis. «Cet argent sert à financer divers projets principalement de reforestation. Je suis très attaché à la biodiversité. La reforestation démontre des impacts sociaux et humains très positifs mais aussi des impacts positifs pour la biodiverisité. Nous avons ainsi participé à des projets de reforestation dans les Landes, en Colombie, en Afrique et en Asie », précise Yves Choueifaty. Surveillance Cependant, lorsque les bureaux sont vides et les déplacements restreints, ce qui a été régulièrement le cas ces deux dernières années en raison de la pandémie de Covid-19, il devient plus difficile pour une société de gestion d’avoir une idée précise de son empreinte carbone. En mai 2021, la société de gestion britannique abrdn a ainsi franchi une étape supplémentaire dans le calcul de l’empreinte carbone de ses salariés. Faisant le constat que le travail à domicile de ses employés était devenu la plus grosse source d’émissions de gaz à effet de serre en pleine pandémie de Covid-19, elle a tissé un partenariat avec l’entreprise Pawprint. Cette société, qui compte aussi le gestionnaire Baillie Gifford parmi ses investisseurs et utilisateurs, a développé une application permettant d’impliquer les salariés d’entreprises dans la lutte contre le réchauffement climatique. Pour abrdn, l’objectif est que ses salariés, sur la base du volontariat, puissent surveiller et agir sur leur empreinte carbone personnelle lorsqu’ils sont en télétravail. «Nous réduisons autant que possible nos émissions de CO2 et compensons à 110% nos émissions résiduelles par des projets certifiés. Nous nous sommes attaqués en premier lieu aux aspects matériels de notre empreinte - historiquement, il s’agissait de la consommation d'énergie dans nos bureaux et des déplacements professionnels. Cependant, comme la nature du travail a changé et que le travail à domicile est devenu plus susceptible d'être une caractéristique durable, nous avons intégré ces émissions dans notre empreinte et dans notre objectif de réduction», explique Samuel Jackson, consultant en développement durable chez abrdn à NewsManagers. La méthodologie de calcul se base sur des modèles communément acceptés, indique-t-il, et les données de ces calculs font l’objet d’une vérification annuelle indépendante afin de garantir leur exactitude. Dans les faits, les employés volontaires d’abrdn participent durant leurs heures de travail à domicile à la réduction de l’empreinte carbone de la firme à partir de petits changements comme des mesures d’économie d’énergie, le choix d’opter pour une alimentation à base de végétaux ou encore privilégier d’autres moyens de transport à la voiture. Les participants doivent en amont répondre à des questionnaires afin que leurs habitudes de consommation soient calculées par Pawprint et que des actions leur soient proposées pour réduire leur empreinte carbone personnelle. Samuel Jackson assure néanmoins qu’il s’agit avant tout d’une opportunité pour les salariés d’abrdn de se renseigner sur leur impact environnemental personnel et non de la méthode principale du gestionnaire pour réduire son empreinte carbone d’un point de vue opérationnel. «Nous considérons toute réduction des émissions liées au travail à domicile comme un résultat positif. Au fur et à mesure que cette initiative se poursuit, nous espérons obtenir une image plus complète de la consommation d'énergie de nos collègues, ce qui nous permettra de compléter les modèles que nous utilisons et d’améliorer la précision de nos calculs», ajoute-t-il. Les salariés au défi Pour inciter d’autres employés à prendre part à l’initiative, les salariés d’abrdn se sont lancés un défi fin 2021. Les participants ont réalisé de petits changements chaque jour durant quelques semaines visant à générer suffisamment d’économies de carbone qui permettraient d’envoyer de manière fictive la mascotte de Pawprint – l’ours Bjorn – entre les bureaux internationaux d’abrdn. Quelques 2,34 tonnes de carbone ont ainsi été économisées par les employés participants, ce qui aurait permis à Bjorn de voyager entre les bureaux d’Edimbourg et de Singapour d’abrdn. Le prochain défi de la société de gestion est prévu pour ce printemps. Pour Samuel Jackson, abrdn se trouve «sur la bonne voie» pour atteindre son objectif de réduction de 50% de ses émissions d’ici 2025 par rapport à 2018. Une étape clé vers l’objectif de neutralité carbone sur le plan opérationnel du gestionnaire, visé à horizon 2040. A la question de savoir si ces objectifs de réduction d’émissions carbonées pourraient un jour figurer dans les contrats des salariés de la gestion d’actifs - comme cela commence à se faire dans les conditions de rémunérations des dirigeants d’entreprises – le consultant en développement durable d’abrdn répond que ces engagements se font avant tout sur une base volontaire. «Notre objectif est de permettre à nos collègues de comprendre leur empreinte, de les encourager et de leur donner les moyens d’apporter des changements positifs, mais ceux-ci resteront fondamentalement un choix personnel», conclut-il.