Le régulateur américain des marchés financiers Securities and Exchange Commission (SEC) a annoncé, ce mercredi, poursuivre en justice Bill Hwang, le dirigeant du family office Archegos Capital Management, pour avoir enfreint la loi américaine en matière de lutte anti-fraude et d’autres règles en matière d’instruments financiers. Archegos a fait l’objet d’une enquête pour manipulation de marchépar la SEC. Selon la presse américaine, Bill Hwang a été arrêté par la police dans la foulée La plainte a été déposée auprès d’une cour fédérale du district de Manhattan à New York.Le directeur financier d’Archegos Patrick Halligan, le responsable du trading William Tomita et le responsable du risque Scott Becker sont également poursuivis.Le parquet fédéral du district sud de New York a lui aussi annoncé des poursuites de nature pénale à l’encontre des protagonistes de l’affaire Archegos. Bill Hwang et ses anciens collègues d’Archegos sont soupçonnés d’avoirmis en œuvre un système frauduleux, qui a eu pour conséquence la perte de plusieurs milliards de dollars pour différentes contreparties dont les groupes financiers Credit Suisse, Morgan Stanley, UBS, Goldman Sachs, Deutsche Banket Nomura. Croissance artificielle Dans sa plainte, la SEC affirme qu’entre - au moins - mars 2020 et mars 2021, Bill Hwang a acheté sur marge des dérivésde crédit sur transfert de rendement (total return swaps) pour un montant de plusieurs milliards de dollars. Dans les faits, il s’agit d’un contrat passé entre un investisseur et une autre partie, en général une banque, qui permet à l’investisseur de recevoir le rendement total d’un titre financier sans qu’il ne détienne ce dernier. L’investisseur paye en retour un intérêt à un taux proche du Libor auquel s’ajoute le spread(autrement dit la rémunération additionnelle) à la banque. Cette pratique fait appel à l’endettement donc à l’effet de levier pour prendre de gros paris sur le titre d’une société. En outre, l’investisseur n’a pas obligation de dévoiler ce type de positions, les rendant donc presque indétectables pour la SEC. Or, selon la plainte du régulateur américain, Bill Hwang a fréquemment acheté certains de ces swaps sans autre but économique que de faire monter de façon significative et artificielle les prix des sociétés concernées par les swaps. Ce qui mécaniquement forçait les autres investisseurs à acheter les titres de ces sociétés dont la valeur était gonflée artificiellement. De fait, Archegos a connu une période de croissance rapide passant d’une valeur de 1,5 milliard de dollars avec 10 milliards de dollars d’exposition au marché en mars 2020 à une valeur de plus de 36 milliards de dollars avec 160 milliards de dollars d’exposition à son plus haut en mars 2021. Réforme à venir La SEC soutient qu’Archegos a trompé de manière répétitive et délibérée plusieurs de ses contreparties à propos de son exposition, de sa concentration et de sa liquidité. Ce, poursuit la SEC, dans le but de continuer à acheter des swaps dans ses positions les plus concentrées afin de faire gonfler artificiellement le prix des titres concernés. Parmi eux figuraient notamment ViacomCBS, Baidu, Tencent Music Entertainment, Farfetch ou encore Discovery. En mars 2021, les cours de ces titres ont baissé, déclenchant des appels de marge auxquels Archegos n’a pu faire face. Conséquence, le défaut puis la faillite du family office de Bill Hwang ont entraîné les pertes de milliards de dollars pour les contreparties. «L’effondrement d’Archegos au printemps dernier démontre comment les activités d’une seule entreprise peuvent avoir des implications d’une portée considérable pour les investisseurs et les participants de marché», a déclaré le président de la SEC, Gary Gensler. ll souligne aussi pour lui l’importance de mettre à jour le marché des swaps d’instruments financiers pour améliorer la protection des investisseurs ainsi que l’intégrité et la transparence de ce marché. Plusieurs hedge funds et brokers étudient cependant déjà la possibilité de déplacer sur le terrain judiciaire la réforme portée par la SEC après l’affaire Archegos.