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Les acteurs en transition privilégiés

La particularité de cette approche réside dans le fait d’accompagner les entreprises en transition plutôt que de cibler exclusivement des acteurs faiblement émetteurs, afin de s’inscrire dans une trajectoire de réduction des émissions carbone alignée avec l’objectif de l’Accord de Paris.
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« Pour nous, les entreprises doivent toutes diminuer leurs émissions, quel que soit leur pays ou leur secteur d’activité, et nos fonds sont des produits de transition qui se positionnent en complément de fonds solutions », détaille Alexandre Blein. C’est pourquoi la définition de l’univers d’investissement est une première étape cruciale. « Nous devons construire un univers cohérent avec l’objectif visé, c’est-à-dire investir dans des entreprises qui s’engagent dans une transition vers une économie bas carbone, poursuit-il. La gamme actions est par ailleurs labellisée ISR (investissement socialement responsable), dont la nouvelle version met clairement l’accent sur les enjeux climatiques, avec des exclusions sur les énergies fossiles, mais également une vigilance sur les plans de transition des secteurs fortement émissifs car ce sont ceux qui doivent faire le plus d’efforts pour la planète. Ces nouvelles exigences sont clairement en ligne avec notre approche climat. »

Pour cela, il est indispensable de sélectionner scrupuleusement les entreprises dans lesquelles les gérants investissent. « Nous étudions leurs plans de transition et leur notation CDP, avec l’aide de l’ensemble des analystes ESG du groupe Amundi, qui vont fournir une note liée à leur performance sur le plan ESG, indique Alexandre Blein. Cela nous permet de bâtir notre univers d’investissement, au sein duquel nous allons appliquer une analyse financière plus classique. »

Chez BNP Paribas Asset Management aussi, les contours de l’univers d’investissement résultent d’une méthodologie bien spécifique. « Pour la définition de notre univers, nous utilisons notre cadre propriétaire ‘triple A (NZ:AAA)’, Net Zero Achieving, Aligned or Aligning (neutralité carbone atteinte, alignée ou en cours d’alignement avec la neutralité carbone), pour mesurer l’alignement des entreprises dans lesquelles nous investissons, décrit Nadia Grant. Les deux premières catégories permettent d’identifier les entreprises que nous considérons comme ayant atteint ou étant sur une trajectoire de décarbonisation compatible avec l’objectif de limiter le réchauffement climatique à +1,5°C d’ici la fin du siècle. Nous analysons également l’alignement/non-alignement de leurs activités avec les Objectifs de développement durable (ODD), liés à l’atténuation du changement climatique. Pour cela nous utilisons un modèle d’évaluation propriétaire développé avec la fintech danoise Matter. Nous regardons enfin l’alignement des activités à la taxonomie européenne. » Cette stratégie poursuit des objectifs financiers et extra-financiers. Elle est activement gérée et vise à battre son indice de référence, le MSCI ACWI. « L’équipe de gestion applique sa philosophie d’investissement fondamentale inspirée de la finance comportementale pour sélectionner les titres au sein de cet univers d’alignement vers Net Zéro, poursuit Nadia Grant. Il en résulte un portefeuille diversifié sans biais de style, de secteur ou région avec une tracking error moyenne (typiquement entre 3 % et 5 %). »

La question de la transition juste

Ces approches ont vocation à être globales mais elles peuvent néanmoins nécessiter quelques adaptations, en fonction des classes d’actifs et de leurs particularités. « A l’heure actuelle, les engagements ‘Net Zéro’ de BNPP AM ne couvrent pas encore la dette souveraine ni les produits dérivés, mentionne Nadia Grant. Nous nous concentrons sur les investissements en actions et en obligations d’entreprises. En revanche, il n’y a pas d’exception géographique. Cependant, il faut prendre en compte les spécificités des pays émergents : par exemple en matière de politique charbon, notre approche conduit à un désinvestissement complet d’ici 2040 pour ces pays, tandis que l’échéance est fixée à 2030 pour ceux de l’UE et de l’OCDE. » Cette zone est particulièrement sensible car les pays émergents sont ceux qui sont le plus affectés par les effets négatifs du changement climatique. « Cela soulève la question de la transition juste, remarque Nadia Grant. Nous regardons les enjeux climatiques de façon holistique. Pour nous, il est primordial d’intégrer la dimension sociale de la lutte contre le réchauffement climatique dans notre analyse. Il s’agit, par exemple, de comprendre ce qui est mis en place dans les secteurs en transition, pour gérer une main-d’œuvre qui risque de se retrouver sans emploi par manque de qualification sur les activités vertes. »

En revanche, les stratégies crédit profitent de l’analyse effectuée sur l’émetteur dans les fonds actions. « Notre méthodologie s’applique à l’ensemble de l’entreprise car nous évaluons l’émetteur, explique Alexandre Blein. Côté dette, nous ne nous limitons donc pas aux green bonds (obligations vertes), qui représentent une classe d’actifs intéressante et qui ont gagné en maturité. Elles ont l’avantage de fixer des jalons dans le temps et donc de permettre la reconnaissance de la progression au fur et à mesure de l’avancée du projet qu’elles financent, mais c’est l’ensemble des émetteurs qui est concerné par la transition, et pas seulement ceux qui émettent des green bonds. »

Ces véhicules se focalisant sur la transition et les trajectoires de décarbonisation des entreprises, l’exclusion n’est pas l’approche prioritaire. « Nous pensons que l’exclusion doit être utilisée en dernier ressort. Nous privilégions l’engagement afin d’accompagner les entreprises dans leur transition vers un modèle d’activité plus en ligne avec une économie bas carbone », fait savoir Nadia Grant.

De plus, pour les gérants, les exclusions ne doivent pas se faire au détriment du dialogue. « C’est normal d’exclure les mauvaises pratiques, qu’elles soient extra-financières ou liées à des controverses, mais nous privilégions toujours le dialogue avec ces entreprises, qui peut être un moteur plus puissant de changement positif que le désinvestissement systématique. En effet, celui-ci ne garantit pas que les entreprises ne trouveront pas d’autres capitaux pour se financer », souligne Alexandre Blein.

Focus : les Européens, en avance de phase sur le climat

Avec leur réglementation très avancée sur les sujets climatiques, les entreprises européennes sont habituées à rendre des comptes sur ces questions. Ailleurs, il faut parfois creuser un peu plus loin pour se faire une idée concrète du travail mené sur le terrain. « Il arrive que les informations des fournisseurs de données ne reflètent pas entièrement la pratique de l’entreprise, tout simplement parce que celle-ci ne réalise pas les publications adéquates, observe Nadia Grant. Mais nous pouvons accompagner les entreprises dans cette voie, afin de les rendre plus visibles auprès d’une nouvelle catégorie d’investisseurs. » La multiplicité des cadres d’analyse ne facilite toutefois pas la tâche des entreprises. « Elles sont confrontées à une multitude de fournisseurs, d’organismes, de réglementations et de labels qui leur demandent beaucoup d’informations, et elles sont parfois perdues pour savoir à qui répondre pour attirer l’attention des investisseurs », pointe Alexandre Blein. Par ailleurs, si une forme de climate-bashing a pu émerger ces dernières années, notamment aux Etats-Unis, cela ne remet pas forcément en cause les stratégies des acteurs concernés. « Nous voyons que certaines entreprises adaptent leur discours, peut-être pour satisfaire leur base actionnariale américaine, tout en continuant de garder la porte ouverte aux investisseurs européens, constate Alexandre Blein. Elles vont alors moins parler d’ESG et de climat, mais évoquer la résilience et l’environnement. »