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La croissance du marché européen des ETF ne se dément pas (1/4)

Alors que les banques centrales ne sont plus là pour pousser les investisseurs vers le risque actions, ceux-ci sont appelés à plus de discrimination. Supports principalement utilisés pour des expositions aux grands indices actions, les exchange-traded funds (ETF) n’ont pourtant pas souffert de désaffection, bien au contraire.
« Les ETF actions restent plus que jamais d’actualité, estime Thibaud de Cherisey, directeur commercial ETF Europe chez Invesco. D’abord, ils apportent aux investisseurs une flexibilité qui s’est avérée essentielle dans une année où nos clients ont dû adapter leurs portefeuilles au nouveau paradigme des taux et à la volatilité. Ensuite, on voit que les tendances de long terme ne faiblissent pas : sur le marché européen, les encours des ETF investis en actions monde représentent plus de 200 milliards d’euros et les ETF en actions américaines 300 milliards, ce qui montre leur utilisation par nos clients institutionnels pour des positions de long terme. Enfin, l’offre continue de croître, notamment sur les ETF actions ESG, où il y a un besoin de spécificité et de diversité. »
Les ETF actions restent plus que jamais d’actualité : ils apportent une flexibilité qui s’est avérée essentielle cette année.
Mois après mois, les flux vers les ETF restent positifs, même si leur composition peut varier assez fortement en fonction du contexte de marché. « Depuis octobre 2022, la collecte sur le marché des ETF en Europe est positive. La collecte de début 2023 a été portée par le thème de la réouverture du marché chinois avec des flux sur les ETF actions émergentes et monde, détaille Emmanuel Monet, responsable vente France, Monaco et Luxembourg, ETF, Indiciel & Smart Beta chez Amundi. Le deuxième trimestre a été plus favorable aux ETF obligataires avec des investisseurs se repositionnant sur des ETF d’emprunts d’Etat, dans un contexte de remontée des taux. L’ETF est un outil qui permet aux investisseurs d’ajuster facilement leur exposition et la collecte, qui a déjà battu celle enregistrée sur la totalité de l’année 2022, illustre à nouveau l’intérêt des investisseurs pour ce type d’instruments. »
Certes, les stratégies actions, les plus anciennes, ne sont plus l’alpha et l’oméga du marché des ETF. Mais elles n’en restent pas moins un moteur de croissance majeur, que les investisseurs connaissent désormais bien et utilisent de manière de plus en plus sophistiquée.
« Sur les huit premiers mois de l’année 2023, la collecte nette des ETF sur le marché européen a atteint près de 100 milliards de dollars, dont 51 % sont allés vers des ETF actions, en particulier les expositions mondiales, notamment via les ETF SPDR qui suivent les indices MSCI ACWI ou MSCI World et peuvent être couverts contre le risque de change, explique Ludovic Djebali, managing director chez State Street Global Advisors France. Ce que l’on constate depuis le début de l’année, ce sont des approches assez asymétriques, de type ‘barbell’, de la part des clients des ETF : ils vont à la fois acheter du risque actions tout en prenant des postures défensives de l’autre côté du spectre, notamment via des stratégies sur l’obligataire souverain ou ‘aggregate’. On retrouve d’ailleurs cette logique à l’intérieur même des ETF actions. Les ETF actions sectoriels ont ainsi servi à d’importants paris, à la fois sur le secteur technologique – en particulier notre ETF basé sur l’indice S&P Technology Select Sector Capped 25/20 Index, très performant cette année – et la santé, beaucoup plus défensive. »
Alliant faible coût d’utilisation et forte liquidité, les ETF rendent depuis longtemps de nombreux services aux investisseurs, en cœur de portefeuille comme pour des expositions plus satellites. Clairement, un environnement nécessitant de repenser de manière dynamique les expositions de marché leur est plutôt favorable. « L’intérêt des ETF pour procéder à des allocations tactiques et réactives n’a pas changé, observe Guillaume Dambrine, vice-président ETF Distribution Régions francophones chez Franklin Templeton. Ce qui a changé, en revanche, c’est l’environnement : ces dernières années, les actions étaient à peu près le seul moyen pour les investisseurs de générer de la rentabilité et cela a clairement évolué dans le nouveau régime de taux. Le regain d’intérêt des offres obligataires peut laisser croire, en relatif, à un moindre intérêt des ETF actions, mais ces derniers restent en collecte positive. Nous constatons un intérêt pour les indices mondiaux larges, mais notre gamme d’ETF sur les pays émergents a aussi retenu l’attention des investisseurs, plutôt sur la Chine (Franklin FTSE China Ucits ETF) en début d’année et plutôt sur l’Inde (Franklin FTSE India Ucits ETF) à présent. »
Un autre phénomène important de l’année est la montée en puissance des ETF obligataires. Après une période peu propice à la classe d’actifs, elle a retrouvé un contexte bien meilleur à la faveur de la hausse des taux.
« Avec des taux 10 ans à 4 % aux Etats-Unis et à 3 % en France, les obligations souveraines reviennent clairement cette année dans les allocations d’actifs diversifiées, note Emmanuel Monet. Sur le marché européen des ETF, on a vu une collecte d’environ 13 milliards d’euros sur les govies européennes et les investisseurs se repositionnent aussi sur les Etats-Unis qui connaissent un cycle accéléré de hausse des taux. La flexibilité offerte par les gammes ETF permet de bénéficier de ces mouvements, avec différentes maturités. On a vu beaucoup d’intérêt sur le crédit en début d’année, mais dès lors que la dette souveraine a apporté des rendements suffisants, on a vu les investisseurs se repositionner. »
L’offre obligataire patiemment développée depuis plusieurs années par les fournisseurs a ainsi été très prisée pour reprendre position. « Chez BNP Paribas Asset Management, nous avons lancé dès 2019 un ETF sur les obligations d’Etat, rappelle Lorraine Sereyjol-Garros, responsable du développement ETF & Indiciel chez BNP Paribas Asset Management. Nous avons étoffé cette offre notamment cette année, en la déclinant sur différentes maturités : 1-3 ans, 3-5 ans ou toutes maturités. Nous avons aussi lancé dès 2021 une proposition ‘corporate’, alignée sur l’Accord de Paris (PAB). Nos ETF obligataires, de l’ordre de 10 milliards dont 5 milliards d’euros d’encours PAB, et ce côté précurseur ont été récompensés en 2023, où nos ETF obligataires ont représenté plus de 70 % de notre collecte, ce qui est bien au-delà des chiffres de marché, où l’obligataire a pesé pour un peu moins de 50 % des nouveaux encours*. C’est surtout la dette souveraine qui a intéressé les investisseurs, mais aussi le crédit investment grade. Depuis peu, on constate également des flux sur le high yield, la seule catégorie qui ne collecte pas étant l’obligataire émergent, ce qui est en ligne avec le marché. »
Les ETF obligataires représentent 70 % de notre collecte cette année, ce qui est bien au-delà des chiffres de marché.
La part des offres obligataires dans la collecte des ETF dépasse largement leur poids dans les encours, ce qui témoigne de leur montée en puissance. Et les investisseurs y trouvent une boîte à outils assez vaste. « Au sein de la collecte des ETF obligataires cotés en Europe cette année, 24 milliards ont concerné les obligations souveraines, 16 milliards sur le crédit et 5,7 milliards sur des stratégies aggregate, indique Ludovic Djebali. Cela témoigne chez les clients, et on l’a vu notamment en France, de l’approche asymétrique consistant à aller prendre d’un côté un risque actions et de l’autre des positions défensives sur de l’obligataire d’Etat ou aggregate, qui offrent du rendement avec un risque mesuré. Jusque fin juillet, les investisseurs sont aussi allés vers le crédit, avant une inversion de tendance en août, avec une légère décollecte, ce qui peut être interprété comme un signe de prudence. » Comme sur la partie actions, Ludovic Djebali constate à l’intérieur même de la partie obligataire des approches asymétriques de la part des investisseurs. « Le mouvement acheteur s’est renforcé ces derniers mois sur la partie intermédiaire et longue de la courbe (10 ans et plus). Mais on voit également des investissements soutenus sur la partie courte (1-3 ans), notamment via notre ETF qui suit l’indice Bloomberg SASB Euro Corporate 0-3 year ESG Ex-Controversies Select Index », relève-t-il.
Sur le marché des ETF, l’offre obligataire a démarré bien après celle sur les actions et n’a évidemment pas encore la même maturité, mais les fournisseurs travaillent activement à combler cet écart. « Nous continuons de compléter la gamme d’ETF obligataires ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance), avec notamment de la duration très courte et du crédit investment grade en dollars. Et cela va continuer car nous croyons au développement de ce marché dans les années à venir », commente Lorraine Sereyjol-Garros. Et on voit déjà apparaître des offres bien plus ciblées que la simple fourniture d’une exposition à un indice de marché obligataire.
C’est en tout cas ce que constate Emmanuel Monet chez Amundi : « Sur l’obligataire, on observe un intérêt des investisseurs pour des stratégies plus spécifiques. Nous proposons par exemple un ETF de type ‘steepener’, permettant de tirer parti de la repentification de la courbe des taux américains, ce qui offre une alternative à des stratégies similaires faites via des dérivés. C’est un des succès de l’année pour nous. » La sphère obligataire reste un champ d’innovation pour les acteurs des ETF et se conjugue avec une autre tendance en train d’émerger. « Sur la partie obligataire, nous avons pris le parti de proposer des stratégies gérées activement, révèle Guillaume Dambrine. Là où nous avons constaté un appétit particulier de nos clients cette année, c’est sur la stratégie Euro Green Bonds (Franklin Euro Green Bond Ucits ETF), qui est un produit aggregate. Nous remarquons un besoin du marché de briques de plus en plus pures et l’enjeu pour nous, fournisseurs, va être de multiplier les possibilités offertes afin que les clients puissent utiliser la boîte à outils des ETF pour affiner au mieux leurs allocations en fonction de leurs vues de marché. » De nouveaux outils susceptibles d’étendre encore les usages des ETF.
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