Fonds en euros vs unités de compte : un rééquilibrage à venir

Un phénomène à analyser au regard de l’évolution de l’environnement de marché ces dernières années. « Il faut rappeler le contexte très spécifique dans lequel nous évoluons depuis la crise du Covid, souligne Marc Hengen. Nous étions dans une situation de taux d’intérêt négatifs, nous avons vécu une crise financière courte et sévère et une reprise post-Covid accompagnée d’un accroissement très rapide des taux d’intérêt. Sans parler des incertitudes géopolitiques qui se sont aggravées avec la guerre en Ukraine. Ce sont des situations compliquées qui ont une influence sur les choix des investisseurs et donc sur les compagnies d’assurances. »
Ces dernières ont dû s’adapter pour rester attractives sur le marché.
« Entre fin 2022 et début 2023, nous avons été confrontés à une hausse des taux d’intérêt rapide et donc à une concurrence nouvelle des produits bancaires, en particulier des dépôts à terme, relate Loïc Le Foll. Ces derniers offraient des rémunérations extrêmement intéressantes : début 2023, ils affichaient des taux de 4,5-5 %. De ce fait, les assureurs qui disposaient de fonds en euros ont décidé d’utiliser une partie de leurs réserves pour offrir des conditions attrayantes à leurs clients en ayant recours à des mécanismes de bonus, afin de rester compétitifs. Ces offres sont pilotées très finement en fonction de l’environnement de marché. »
Cela s’est traduit par une progression de 160 % sur un an des versements sur le fonds en euros au premier semestre 2024, le support garanti ayant accaparé 45 % des flux de collecte. « C’est certes élevé par rapport à la moyenne habituelle qui se situe plutôt autour de 20-25 % de fonds en euros dans la collecte, mais ce n’est pas un raz-de-marée tel qu’on a pu l’observer en France sur la clientèle patrimoniale », commente Paul Lecoublet. La situation devrait se normaliser dans les prochains semestres, pour différentes raisons.
« Nous avons été réactifs face à la remontée brutale des taux mais cela ne modifie pas notre stratégie de long terme, qui repose sur les unités de compte, estime Laurent Gayet. Ces dernières représentent chez AXA Wealth Europe 80 % des encours. Les politiques commerciales auront donc nécessairement une fin. Cela signifie que nous avons une politique plus sélective sur l’accès à notre fonds en euros. Nous sommes actuellement beaucoup plus enclins à proposer du fonds en euros pour des personnes physiques. »
Par ailleurs, les taux devraient poursuivre leur décrue dans les prochains mois et la clientèle attirée par les unités de compte devrait revenir plus largement sur le marché. « L’instabilité géopolitique et cette augmentation massive des taux ont pesé énormément sur le marché des fusions-acquisitions avec un quasi-assèchement du crédit, pointe Florent Albert. Ce marché s’est fortement contracté pendant plus de douze mois.
Or ces événements de liquidité fournissent beaucoup d’opportunités d’investissement sur l’assurance-vie luxembourgeoise pour des patrimoines conséquents avec des besoins précis, qui sont la cible de clientèle d’une compagnie comme la nôtre, focalisée sur le high ou l’ultra-high-net-worth.
Or nous voyons en ce moment un retournement de la courbe des taux et le retour des transactions à effet de levier, ce qui me rend assez optimiste pour la fin de l’année et pour 2025. » Enfin, les assureurs doivent aussi ménager leurs réseaux de distribution. « Nous sommes tous en distribution intermédiée via des banques privées et des gestionnaires de fortune, rappelle Loïc Le Foll.
Les taux boostés ont permis de répondre à une demande mais nous sommes désormais arrivés à des niveaux qui fragilisent la gestion obligataire de ces mêmes établissements. Cela va favoriser un rééquilibrage dans les prochains mois, au cours desquels les opérations de boost vont progressivement se réduire. »

Une collecte dynamique mais atypique