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Concilier alpha et durabilité dans l’investissement à impact

Les détracteurs de l’investissement à impact pensent souvent à tort que plus l’accent est mis sur l’impact, plus le retour sur investissement est faible. Cette croyance est ancrée dans une vision binaire du monde dans laquelle le gain financier et le bien social sont perçus comme mutuellement exclusifs. Cette vision découle peut-être de la polarité entre deux grandes écoles économiques, l’une dirigée par Joseph Schumpeter et l’autre par R. Edward Freeman.
Schumpeter était connu pour sa théorie de la destruction créatrice et le rôle de l’entrepreneur dans l’innovation et le développement économique, mettant souvent l’accent sur la recherche du profit et le capitalisme comme moteur du changement économique. Son point de vue tend à s’aligner sur un modèle capitaliste traditionnel axé sur la croissance et le profit.
Freeman, quant à lui, est connu pour sa théorie des parties prenantes, qui suggère que les entreprises devraient créer de la valeur non seulement pour les actionnaires, mais également pour toutes les composantes de la société, y compris les employés, les clients, les fournisseurs et la communauté.
L’investissement à impact se situe à l’intersection du diagramme de Venn. Seule philosophie d’investissement où les intérêts de toutes les parties prenantes (personnes, planète, prospérité) sont alignés, en harmonie et sans compromis. Comme nous le verrons dans les données ci-dessous, ces deux théories ne sont pas incompatibles, mais plutôt complémentaires, car une prise en compte des attributs centrés sur le profit et sur les parties prenantes favorise une plus grande création de valeur sur le long terme.
Le Triple Bilan - visuel

Le concept de Triple Bilan (Triple Bottom Line ou Triple P) remet en question l'éternel dilemme de l’impact par rapport au rendement et implique que l’investissement à impact n’est pas un jeu à somme nulle. En d’autres termes, se préoccuper de la durabilité ne signifie pas ignorer les fondamentaux, mais cela limite effectivement la taille de l’univers d’investissement, car seul le cœur du diagramme de Venn présente une certaine unité.
L’histogramme ci-dessous montre une comparaison des rendements totaux par classification SFDR (Sustainable Finance Disclosure Regulation) telle que compilée par J.P. Morgan avec des données Morningstar en mars 2024. Nous utilisons les fonds Article 9 comme substitut aux fonds d’impact car ils répondent aux contraintes de durabilité les plus strictes telles que définies par la SFDR (même si tous les fonds Article 9 sur le marché ne sont sans doute pas réellement des fonds d’impact). La première observation est que les fonds vert foncé surperforment de manière significative à la fois les fonds vert clair et les stratégies d’investissement traditionnelles sur le long terme (horizon de cinq ans). En revanche, la deuxième observation est que les fonds d’impact sous-performent leurs pairs à court terme (trois ans ou moins).
Performances totales par classification de la SFDR -

Date de calcul du rendement : 21 mars 2024
Nombre de fonds : Article 6 : 12 982 fonds ; Article 8 : 10 948 ; Article 9 : 1014
Exposition géographique : Tous ; dans les types de mandats et de domiciles
Classe d’actifs : Toutes (Actions, Revenu fixe, Allocation)
Les biais sectoriels des fonds Impact, en particulier pour les thématiques de santé, d’industrie et de services publics, ont été responsables de la sous-performance à court terme lorsque la technologie était fortement favorisée. En effet, à court terme, les politiques monétaires expansionnistes ont également été très préjudiciables aux valeurs liées aux énergies renouvelables, une surpondération classique dans les fonds de l’article 9. Toutefois, il ne s’agit là que de revers temporaires dans l’histoire de l’investissement à impact. La surperformance à long terme est due à un consensus croissant entre les entreprises et les gestionnaires d’actifs pour s’aligner sur les questions publiques et les réglementations clés, en utilisant des cadres tels que les objectifs de développement durable des Nations unies et la taxonomie émergente de l’UE. Cet alignement permet non seulement d’atténuer les risques, mais aussi de capitaliser sur la demande croissante de tendances séculaires durables, améliorant ainsi les rendements financiers à long terme.
L’investissement à impact n’est pas une démarche caritative mais bien stratégique. Il reflète une compréhension approfondie des tendances du marché, où les entreprises qui donnent la priorité aux critères ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance) font preuve d’une plus grande résilience et d’une meilleure rentabilité face aux défis mondiaux. Par exemple, une utilisation judicieuse des ressources naturelles peut améliorer les bénéfices, tandis qu’une gestion efficace des déchets et des émissions peut réduire le risque de problèmes réglementaires et d’atteintes à la réputation. Les entreprises qui adoptent les pratiques de l'économie circulaire en concevant des produits pour la longévité, la réutilisation et la recyclabilité favorisent la bonne volonté et peuvent également bénéficier d’un environnement opérationnel plus stable, du soutien des autorités locales et d’une clientèle fidèle. De bonnes pratiques de gestion des talents peuvent améliorer la rétention des employés qui sont les moteurs de l’innovation et de la croissance. Chacun de ces exemples est étayé par un grand nombre de recherches universitaires. Ils soulignent le potentiel de l’investissement à impact à fournir de meilleurs rendements à long terme ajustés au risque en abordant de manière proactive les questions environnementales et sociales qui sont de plus en plus pertinentes pour la réussite des entreprises.
En conclusion, le récit de l’investissement à impact est celui d’une convergence plutôt que d’un compromis. En sélectionnant méticuleusement des entreprises qui non seulement promettent mais réalisent leurs objectifs d’impact, les investisseurs peuvent atteindre à la fois le bien sociétal et le rendement financier. Tout en réfutant le mythique compromis entre l’impact et l’alpha, nous devons reconnaître l’effet de foule qui caractérise les placements en actions à impact les plus populaires.
L’investissement d’impact est souvent critiqué parce qu’il privilégie les actions à forte demande et portant le label «impact», ce qui risque de réduire les rendements. Bien que cette préoccupation soit valable dans certains cas, elle ne tient pas compte du paysage nuancé de l’investissement durable, où les opportunités inexploitées abondent.
