Mieux vaut ne rien faire que faire n’importe quoi. C’est en substance le message délivré par quelques grands investisseurs institutionnels français réunis pour une table ronde dédiée à l’allocation d’actifs lors de la Journée Nationale des investisseurs (JNI) organisée par Instit Invest le 6 décembre dernier. " L’illisibilité est partout» a ainsi constaté Etienne Stofer, directeur de la CRPN. Entre bras de fer sino-américain, déglobalisation, problèmes politiques et économiques en Italie, le Brexit, la Turquie, la Russie, sans compter le départ l’an prochain de Mario Draghi de la tête de la BCE, «nous en avons encore pour quelques trimestres d’instabilité» a-t-il appuyé. «Il faut qu’on s’habitue à des marchés sans véritable tendance», a poursuivi Bernard Descreux, directeur de la division gestion d’actifs d’EDF. Comme en 2018, il prévoit de conserver une stratégie d’investissement consistant à seulement «acheter ce qui a baissé et à garder les allocations équilibrées». Jugeant la guerre commerciale entre les Etats-Unis et la Chine comme l’élément numéro un d’incertitude, il estime que la situation pourrait durer plus que quelques trimestres : «cela va durer au moins tout le mandat de Trump. Même les démocrates, s’ils reviennent au pouvoir disent qu’ils auront la même politique parce qu’ils trouvent que la Chine a exagéré. En outre, la guerre commerciale impacte déjà l’Europe ne serait-ce qu’à travers le moral des entreprises parce que c’est un facteur d’incertitude». En 2018, la CRPN a de son côté connu le plus faible turnover au sein de son portefeuille. La Caisse de retraite des navigants n’a fait que quelques évolutions " à la marge». «On a essayé de mettre un peu plus l’accent sur les actifs non cotés après de belles distributions supérieures à nos anticipations par les fonds souscris précédemment», explique Etienne Stofer. La Caisse, qui reste en déficit technique depuis 25 ans, a aussi renforcé sa poche de fonds de prêts à l’économie et le private equity (qui pèse 3% de ses 5 milliards d’euros de réserves (dont 1 milliard d’immobilier)). Mais globalement, 2018 a été «décevante sur les performances absolues mais aussi relatives sur les performances de nos gérants. 2017 était une année glorieuse, 2018 est une année piteuse». Un point de vue approuvé par Bernard Descreux chez EDF. La CRPN était revenue sur l’Europe et la zone euro au cours des 4 premiers mois de l’année en vendant des actifs américains après leur forte hausse. «Nos arbitrages ont été modestes mais nous avons fait une erreur technique en prenant nos bénéfices sur les Etats-Unis», juge Etienne Stofer qui précise qu’il ne s’agit pas de pertes comptables, puisque tous les portefeuilles sont en plus-value latentes. «Plus récemment, on s’est de nouveau renforcés modérément sur les actions européennes, principalement euro, et aussi sur les zones émergentes car elles ont beaucoup trinqué». Même constat chez EDF qui a renforcé les actions émergentes, «en pensant qu’elles seraient les premières à se relever», ainsi que le private equity. La CARMF a de son côté cherché à préserver l’obligataire, les prêts à l’économie et le private equity. Les désinvestissements de la Caisse des médecins ont notamment porté sur les actions en début d’année et sur les marchés émergents. «Nous maintenons le cap sur notre allocation stratégique puisque la part des actions doit normalement baisser de 45% à 41% en 2022", a expliqué Michel Manteau. Des trois investisseurs présents, il fut sans doute le plus optimiste, jugeant que les corrections auxquelles on assiste sur les marchés actions sont avant tout techniques et sont proches d'être «purgées». "’Il y a de la place pour aller plus haut même si des problèmes restent à régler, y compris sur notre sol national, mais les marchés ont du potentiel de hausse, et cela davantage sur les actifs risqués que les obligations gouvernementales». Un sujet en particulier n’est pas tranché, celui de la sortie inflationniste des Etats-Unis qui connait un taux d’emploi très important. «Cela pose la question de la future politique monétaire de la Fed. Une inflation ne serait pas bonne pour le marché obligataire», note Michel Manteau. Pour lui, il est possible que 2019 soit une bonne année pour les marchés financiers, mais avec de la volatilité.