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Le Digital, un enjeu clé (2/3)

L’ assurance-vie luxembourgeoise véhicule une image élitiste, l’enveloppe étant bien souvent l’apanage d’une clientèle fortunée, voire très fortunée. Une idée qu’il convient de battre en brèche.
« Longtemps, l’assurance-vie luxembourgeoise a été perçue comme une solution pouvant convenir seulement à des portefeuilles consistants, reconnaît Antonio Valente. Mais les avancées du digital nous permettent de considérer les choses autrement, dans une optique de diversification de la clientèle. D’autant que pendant la pandémie de Covid, nous avons pu constater que toute une partie du segment haut de gamme n’était plus demandeur de ce type de solution. Dans le même temps, nous avons réalisé que nous pouvions offrir nos solutions à un autre segment de marché, avec un ticket d’entrée inférieur. C’est très important car cela permet de faire plus largement la promotion de la solution luxembourgeoise. »
D’ailleurs, rien dans le cadre légal luxembourgeois n’impose de se cantonner à un segment de clientèle, rappelle Marc Lauer : « Ni le régulateur, ni les autorités luxembourgeoises ne nous forcent à servir une clientèle, c’est une décision stratégique prise par chaque entité qui opère depuis le Luxembourg. Or il existe des compagnies très différentes avec des stratégies de développement variées. Certaines peuvent vouloir démocratiser leurs produits mais d’autres, à l’inverse, peuvent choisir de réserver leurs produits et services à quelques privilégiés. » Le cadre, justement, prévoit déjà de segmenter la clientèle par niveaux de richesse. « Depuis toujours, nous avons au Luxembourg une segmentation par types de police (A, B, C et D), qui permet au souscripteur, en fonction du montant du versement initial et de son patrimoine en valeurs mobilières, d’accéder à un bassin d’investissement plus ou moins large, décrit David Liebmann. Pour la police de type A, le minimum d’investissement correspond à 125.000 euros. Ce n’est certes pas un niveau de clientèle retail mais il s’agit d’un montant de versement que l’on peut qualifier de ‘patrimonial’. »
Il n’en demeure pas moins que combiner gestion financière sur mesure, portabilité internationale et tickets d’entrée réduits est une équation difficile à résoudre. « La flexibilité des produits d’investissement en unités de compte, c’est très bien mais cela signifie qu’il faut avoir une certaine volumétrie, prévient Marc Lauer. Vous ne pouvez pas créer un fonds dédié pour 50.000 euros. Cela ne signifie pas pour autant qu’un assureur luxembourgeois ne peut pas vendre des produits de prévoyance en France liés ou non à des fonds externes, avec des primes récurrentes tout à fait classiques. »
Pour étendre leurs activités, les compagnies doivent donc trouver le juste équilibre. « Nous avons investi des moyens humains, innové en matière de solutions et construit une architecture digitale solide sur le marché français. Nous continuons de nous développer depuis Luxembourg avec un focus particulier sur la pertinence de nos propositions de valeur, l’excellence opérationnelle et notre solidité financière à long terme, expose David Liebmann. Ma conviction est que la solution luxembourgeoise qui était essentiellement destinée à des clients fortunés peut aussi apporter une réponse pertinente à des clients dotés de patrimoines moins conséquents. » Sur ce dernier aspect, des tentatives d’abaisser drastiquement l’accès ont eu lieu par le passé, sans grand succès. « Il y a quelques années, une compagnie avait proposé un contrat à 8.000 euros. Résultat : elle a nettement remonté la barre depuis, relate Maël Toledano. D’autres qui étaient beaucoup plus exigeantes ont abaissé leur ticket d’entrée. A contrario, un assureur du marché demande aujourd’hui un minimum de 500.000 euros. En clair, il existe autant de compagnies que de politiques commerciales et de typologies de clients. Chez Wealins, nous avons tendance à être plus exigeants que la moyenne en termes de montant car nous apportons – grâce à la souplesse du Luxembourg – un degré de sophistication avec une expertise pointue et un service de qualité que nous ne pouvons diluer avec un grand nombre de clients. Cela nuirait à notre efficacité opérationnelle. »
Le maintien d’une bonne qualité de service est l’un des enjeux tout comme l’est la profitabilité du système. « La clé, c’est le coût unitaire du traitement du dossier, indique Nicolas Palmitessa. Si nous augmentons le volume de dossiers, cela va se répercuter sur nos coûts. Encore faut-il que ces dossiers soient rentables. » Répondre à ce défi pourrait passer par la création de contrats plus standardisés. « Est-ce qu’on industrialise nos process quitte à perdre un peu de flexibilité ?, s’interroge Nicolas Palmitessa. On pourrait tout à fait imaginer avoir deux offres qui se complètent avec, d’une part, un produit haut de gamme offrant une très forte personnalisation et, d’autre part, une automatisation des petits contrats. Tout dépend des outils internes, de la stratégie commerciale et du seuil de rentabilité recherché. »
Pour David Liebmann, une partie de la réponse se situe au niveau des outils, qui doivent permettre d’augmenter le volume d’activité tout en faisant face à la complexité opérationnelle inhérente à la solution luxembourgeoise. « Notre offre est sur mesure par nature : elle embarque de nombreuses options de gestion et elle est disponible sur plusieurs marchés avec des enjeux liés à la distribution transfrontalière, souligne-t-il. Pour être viable sur le long terme, la modularité à grande échelle de nos solutions est très importante. Car du fait de ce sur-mesure, nos activités sont plus coûteuses. Il est ainsi nécessaire de faire évoluer nos produits régulièrement, de nous adapter aux évolutions réglementaires, de former nos collaborateurs et distributeurs, d’envoyer les reportings adéquats aux clients, etc. Tout cela, nous voulons le faire le plus efficacement possible et au meilleur coût. Le digital est la réponse la plus évidente, même si elle n’est pas suffisante. Nous sommes des plateformes d’investissement : nous connectons plusieurs banques dépositaires, nos partenaires distributeurs, des sociétés de gestion avec différentes devises et supports. Les enjeux de flux et de data sont au cœur de notre fonctionnement. »
En la matière, les acteurs du Grand-Duché ont mis les bouchées doubles ces dernières années, pour rattraper leur retard… « Si l’on regarde dans le rétroviseur, nous n’avons pas été les meilleurs en matière de digitalisation, admet Maël Toledano. Nous avons été en retard par rapport aux assureurs français, par exemple. Il y a plusieurs raisons à cela. Tout d’abord, notre produit est beaucoup plus complexe : là où le contrat français n’a qu’un dépositaire, nous en avons 200. Récupérer l’information est donc plus compliqué. En outre, nous avons aussi été victimes de notre succès : certaines sociétés n’ont pas voulu investir dans l’outil digital, se contentant de l’existant. Chez Wealins, nous avons privilégié une vision et la mise en place d’une stratégie de transformation digitale sur le long terme. » Depuis, le retard a été comblé même si les sociétés luxembourgeoises mettent toujours en avant leur expertise humaine. « Le digital est une partie de la solution mais l’intelligence humaine reste prépondérante pour déployer un système qui s’adapte aux exigences de la clientèle cible », relève Antonio Valente. Un élément différenciant qui séduit la clientèle européenne…
Toutefois, la digitalisation n’est pas qu’un instrument permettant de mieux servir le client ou d’améliorer la rentabilité des compagnies. C’est aussi un investissement incontournable pour faire face à l’inflation réglementaire que subit le secteur. « La réglementation n’arrête pas d’évoluer, et pas de la même façon dans tous les pays.Donc heureusement que nous avons des outils efficaces pour nous adapter rapidement et efficacement. Sans le digital, ce serait beaucoup plus difficile », confie Maël Toledano.
Depuis la crise de 2008, de nombreux textes - émanant des autorités nationales ou de Bruxelles - sont venus encadrer le secteur. Rien qu’au niveau européen, les réglementations Solvabilité 2, DDA (directive sur la distribution d’assurance), Priips (Packaged Retail Investment and Insurance-based Products) et désormais les textes encadrant la finance durable constituent un socle volumineux de règles. Au point que les compagnies ne savent plus à quel saint se vouer. « Si cette augmentation contribue à une amélioration notable de la transparence et de la protection des consommateurs, cette réglementation se dirige dans plusieurs directions à la fois, parfois même opposées, observe Marc Lauer. Par exemple, la réglementation Solvabilité 2 vise à assurer une solide capitalisation des entreprises d’assurance, tandis que les exigences de Bruxelles et de l’Eiopa (Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles) sur la notion de ‘value for money’ exercent une pression sur les tarifs et les marges. » Autre motif de doléance : les multiples reportings à fournir dans une logique de transparence, qui nécessitent un travail extrêmement lourd pour les sociétés. Selon Marc Lauer, la mise en place de ces réglementations s’accompagne d’une charge administrative conséquente qui engendre des coûts supplémentaires pour les entreprises. Une partie de ces coûts sera, à terme, inévitablement répercutée sur les consommateurs.
Une perception largement partagée au sein des différentes compagnies opérant depuis le Grand-Duché. « Il est vrai que tous nos investissements, à l’heure actuelle, ne servent pas à apporter un service supplémentaire à nos clients mais bel et bien à se mettre en conformité avec la réglementation, abonde Maël Toledano. Nous sommes présents dans plusieurs pays et chacun d’entre eux fait preuve d’une imagination débordante pour nous imposer de fournir davantage d’informations aux clients. Mis bout à bout, tous ces éléments représentent l’équivalent d’un bottin, alors qu’il serait préférable de leur fournir une information synthétique ! »