C’est l’histoire de l’horizon qui recule au fur et à mesure que l’on avance. Nommé en septembre 2017 haut-commissaire à la réforme des retraites, Jean-Paul Delevoye avait annoncé en substance qu’il ne travaillerait pas sans concertation sur un sujet aussi sensible. Dont acte. Et les partenaires sociaux qui devaient être consultées jusqu’en décembre de l’année dernière, l’ont été bien au-delà. Il faut dire que la réforme portée fait office de mère de toutes les batailles dans le quinquennat d’Emmanuel Macron. Pas question ici d’un nouveau passage en revue de paramètres entrant dans une équation budgétaire de plus en plus difficile à tenir, entre versements de pensions et évolutions démographiques. Non, il s’agit d’une évolution systémique, une promesse présidentielle pour y voir plus clair dans un système à quarante-deux régimes distincts, générateur par ailleurs d’incompréhensions et de sentiments d’injustice. Dans ce cadre, après concertation donc, Jean-Paul Delevoye est apparu au début de l’été avec un cadre de discussion, bâti autour d’une idée forte : un âge pivot pour partir dans des conditions optimales, fixé à 64 ans. Las, il aura fallu une conférence de presse sur l’état du monde pour qu’au plus haut sommet de l’Etat, il ait été abordé la question des retraites des Français en précisant que… rien n’était décidé. Certains trouveront d’abord le sujet passablement décalé. D’autres apprécieront son importance. D’autres encore verront que la politique intérieure française peut s’inviter sans prévenir, entre réchauffement climatique mondial et crise irano-américaine. Les gilets jaunes sont passés par là et, si l’on veut être exact, en se remémorant la pique de Vladimir Poutine à Emmanuel Macron cet été au Fort de Brégançon sur ce mouvement de contestation « qu’il ne souhaitait pas voir en Russie», on se dit que le sujet a dépassé nos frontières. D’où une présence admise dans un « debriefing » d’après-G7. Quant à l’absence de décision, le rétropédalage sur l’âge pivot et la promesse d’explorer d’autres pistes, comme la durée des cotisations, il exprime l’importance du sujet, son « côté nitroglycérine » aussi, alors qu’il est urgent de faire l’économie de nouveaux déchirements sociaux.