Un tollé! Le projet de taxe sur les transactions financières porté par Olaf Scholz, le ministre allemand des finances, avait déclenché une avalanche de protestations outre-Rhin. A la veille de Nöel, le ministre avait présenté son projet, à la hussarde, sans vraiment prendre l’avis de son allié autrichien, etfait part de son intention d’introduire en 2021 cette taxe également très controversée au niveau européen. Toutefois, après huit ans de négociations, les dix Etats membres de l’Union européenne encore associés à ce projet sontsur la voie d’un accord, si l’on en croit le ministre. En l’état, il s’agirait d’une taxe de 0,2% à l’occasion de l’achat d’actions. Plus précisément, seraient concernées les actions d’entreprises dont le siège est en Allemagne et dont la capitalisation boursière dépassé le milliard d’euros. En Allemagne, 145 sociétés seraient éligibles; dans les dix Etats partenaires plus de 500 sociétés. A noter toutefois que toutes les transactions sur actions ne seront pas forcément taxées, notamment les dérivés. Le produit de cette taxe devrait s’élever à environ 1,5 milliard d’euros par an, qui serviront à financer la pension de base de l’Etat. Pour mémoire, en France, la taxe sur les transactions financières (TTF) de 0,3% prélevée sur les achats d’actions estappliquée depuis 2012 etconcerne désormais 134 sociétés françaises depuis le 1er décembre 2019, contre 132 auparavant. A l’origine, le projet de taxation avait été adopté par onze pays: outre la France, l’Allemagne, la Belgique, l’Autriche, le Portugal, la Slovénie, la Grèce, l’Italie, l’Espagne, l’Estonie et la Slovaquie. Depuis, l’Estonie a jeté l’éponge. L’Allemagne relance le projet mais n’en déplaise au ministre des finances, son projet de taxene fait pas l’unanimité. L’association allemande de protection des petits porteurs (DSW) a lancé une pétition sur son site, très critique sur l’impôt «Scholz», qui a déjà réuni près de 30.000 signatures. Les opposants au projet sont de plus en plus nombreux. Et parfois très écoutés en raison de leur notoriété. Bert Flossbach, fondateur de la société de gestion Flossbach von Storch, a ainsi jugé dans une lettre au ministre des finances que « c’est une amère ironie de constater que, comme par hasard, les dérivés devraient être épargnés par la nouvelle taxe». Le responsable évoque également les traders haute fréquence, pas concernés non plus par le projet de taxe. «Ceux qui cherchent à gagner de l’argent à la va-vite seront donc épargnés alors que l’investisseur à long terme sera pénalisé», déplore Bert Flossbach qui compare la taxe à «un impôt bio sur les produits durables». Une absurdité totale, selon lui. Emmerich Müller, patron de la banque privée Metzler, qualifie aussi le projet d’ «absurde» puisqu’il va frapper les actions, une classe d’actifs qui permet justement d’échapper à la permanence lancinante des taux bas, voire négatifs. Les politiques sont également montés au créneau, à l’instar des libéraux du FDP qui ont commandé une étude à l’université de Stuttgart-Hohenheim. Conclusion de l’étude: le projet d’Olaf Scholz ressemble fort àune taxe sur les petits porteurs. Les Verts estiment de leur côté que cet impôt est une «vaste supercherie» qui ne va pas contribuer à limiter la spéculation ou à stabiliser les marchés financiers. Et les conservateurs ne sont pas en reste. Plusieurs membres de la CDU (Union chrétienne-démocrate) critiquent le projet tandis que la CSU (Union chrétienne-sociale), très critique également, propose que les investisseurs de long terme en actions soient exonérés de tout impôt. Les partenaires de l’Allemagne au sein de la coalition des dix ne semblent pas non plus enthousiastes. A commencer par son principal soutien, l’Autriche. Le ministre des finances sortant du gouvernement autrichien, Eduard Müller, ne veut pas du projet allemand qui épargne 99% des transactions financières… Son successeur, Gernot Blümel, est un philosophe de formation qui n’a aucune expérience du secteur financier…Ce qui ne préjuge pas de son point de vue maisjusqu'à l'été dernier, l’Autriche avait soutenu aux côtés de l’Allemagne, le projet de taxe.Olaf Scholz voulait manifestement accélérer l’adoption du projet. Il semble avoir obtenu l’effet inverse...